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L'Essai, Nicolas Debon, Dargaud, 80 pages coul, 16, 45 €
L'Essai, Nicolas Debon, Dargaud
L'Essai, Nicolas Debon, Dargaud

BD
La force des idées

Gilles Bechet -

Il y a des hommes allergiques à l’idée même d’une hiérarchie sociale et d’une quelconque autorité. En 1903, Jean-Charles Fortuné Henry fondait une communauté arnarchico-libertaire dans une clairière isolée au cœur de la forêt des Ardennes françaises. De cette étonnante aventure humaine, Nicolas Debon a tiré une BD pleine de silences et d’humanité.

Le bonheur et l’harmonie

Rejoints par des camarades anarchistes des communes voisines, des déshérités, des syndicalistes et « naturiens », les occupants de la colonie ont construit une maison, puis une autre. Ils ont élevé quelques animaux, cultivé les champs. Malgré leur peu de ressources, ils ont bravé le froid et la pluie de l’hiver, la sécheresse de l’été parce qu’ils étaient convaincus que de leurs efforts pouvait naître une humanité meilleure. Vu comme ça, on aurait vite fait de les cataloguer de naïfs exaltés, ce qu’ils étaient sans doute, mais Nicolas Debon arrive à faire ressentir le bonheur et l’harmonie qui se dégageaient de cette vie rude et fruste, de même que les tensions entre les idées et les actes, entre la société qui bouillonne en ce début de XXe siècle et le rythme immuable de la nature ardennaise.

Les grains de sable du réel

La colonie des hommes libres, ainsi qu’elle était connue, devint une attraction. Les visiteurs se multipliaient, sympathisants de la cause ou simples curieux, journalistes et écrivains attirés par cette expérience sans précédent. Puis arrive ce qui arrive à toutes les utopies : elles se font rattraper par les grains de sable du réel. Un à un, ces hommes libres ont quitté la colonie, déçus, usés, mais avec la sensation d’avoir vécu ce qu’ils souhaitaient avoir vécu. Au moment où le tout Paris acclamait la pièce qui s’était inspirée de leur expérience.

Une distance bienveillante

Nicolas Debon, qui s’est rendu plusieurs fois sur place pour s’imprégner de la mémoire immatérielle des lieux, dessine et raconte la mise en œuvre de cette utopie avec une distance bienveillante. Il montre aussi une grande sensibilité pour la nature et les paysages dans lesquels se fond la colonie.

Il dessine en couleurs directes avec des touches épaisses et douces, n’hésitant pas à ponctuer son récit de pleines pages muettes où le gris bleu du ciel plonge dans l’ocre pâle des champs.

 

L’Essai, Nicolas Debon, Dargaud, 88 pages, 16, 50 €

Disponible sur BAZAR e-SHOP