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©Vincent Glowinski
©Vincent Glowinski
©Mario Brenta-CFC Editions

Vincent Glowinski
Voyage avec ma mère

Gilles Bechet -

L’EXPO

Vincent Glowinski ne pouvait rêver de plus bel espace pour exposer ses œuvres.

La salle du Musée du Botanique exhibe toujours son squelette de métal boulonné qui rappelle l’ambiance du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, matrice créatrice de l’artiste.

Avant de coloniser la salle de l’ancien jardin Botanique, les créatures squelettiques de l’artiste pirataient les murs aveugles de la capitale, signées par le graffeur sans visage Bonom. La grande surprise, c’est de voir les œuvres Vincent Glowinski côtoyer celles d’Agnès Debizet, sa mère. Sous les ailes d’un ptérodactyle rouge (en hommage à Tardi) en guise d’ange gardien, un théâtre de formes où la mère et le fils font dialoguer leurs œuvres.

Une transmission invisible

La proximité qui s’en dégage relève de l’évidence, tant elles se complètent. Vincent Glowinski affirme n’avoir jamais été influencé par le travail de sa mère, c’est tout juste s’il parle d’une « transmission invisible, indicible, inconsciente et pourtant infiniment intégrée ». Ce qui les rapproche tous deux, c’est qu’ils nous plongent dans un monde loin du nôtre. Dans un autre temps, un autre espace. Elle crée des céramiques organiques, primitives et maternelles. Elle aime le symbole de l’œuf, les formes larvaires et les successions évolutives. Il assemble des squelettes de grands animaux cousus dans du cuir parchemin. Il s’intéresse aux squelettes comme à la vie à rebours, la fin de la vie est certainement le début d’autre chose. Dans l’univers des deux artistes, rien ne se perd rien ne se crée.

Planète lointaine
Totems troués, créatures fossilisées répondent aux os paraffinés. L’atmosphère est celle d’une science fiction libertaire comme on pouvait en voir dans le film
La planète sauvage de René Laloux et Topor ou dans certains dessins de Moebius. Sur cette planète lointaine, les vertèbres du fils succèdent aux œufs de la mère. Les œuvres se mêlent. Les arbres en cuir de l’un moulés sur les arbres sculptures en céramique de l’autre. .

Avec sa série de grands dessins à la sanguine, on sent Vincent Glowinski explorer d’autres formes, d’autres matières. Le trait est brut et rageur. La suite de dessins semble opérer un zoom troublant dans une fente de chair pour y révéler un univers intérieur palpitant de vie. On sent l’artiste chercher, tâtonner. Il n’en restera pas là.

Mater Museum, Vincent Glowinski, Botanique T. + 32 (0)2 218 37 32  jusqu’au 17 avril 2016 Du mercredi au dimanche de 12h à 20h  www.botanique.be

 

LE LIVRE

Pour prolonger l’exposition, le bel ouvrage éponyme plonge dans le travail des deux artistes, leurs correspondances, leur découverte mutuelle, puis leurs dialogues. Beaucoup de photos, des pages de leurs carnets de croquis respectifs fouillent la matrice créatrice. Vincent raconte les premiers contacts avec l’œuvre de sa mère, les museaux des animaux en céramique dont elle avait fait les piliers de la bibliothèque qu’il caressait machinalement du bout des doigts. Dans la ferme-atelier de Bourgogne où sa mère entasse ses sculptures, le fils dit aujourd’hui trouver une beauté à laquelle il aspire. Travailler à partir des œuvres de ma mère, c’est retourner dans son ventre, qu’il redevienne l’unique caverne que je n’ai jamais connue, l’unique nature jamais observée. reconnait-il. Comme s’il avait dû résister à ce trop plein artistique qui submergeait son quotidien, il affirme ne pas être né artiste et s’être longtemps tenu loin du travail de sa mère. Puis soudainement dans le graffiti, tout a débordé. Il lui a fallu encore quelques années pour qu’il accepte qu’il est profondément artiste. Aujourd’hui, il dessine, il peint, crée des grandes sculptures, des marionnettes et réalise des performances. Talent singulier, il capte les créatures qui peuplent son imaginaire pour les offrir en partage. Il a ouvert les portes du musée.

Mater Museum, Vincent Glowinski, Agnès Debizet, photos Mario Brenta, CFC-Editions, 208 pages, 39€