3 temps, 3 mouvements

Valentine Jansen -

Tant de vies, tant de femmes, tant de travail et tant de tableaux remplissent l'oeuvre de l'autodidacte et surréaliste peintre belge Paul Delvaux. Voici ses trois courants majeurs, expliqués à travers la collection de Pierre et Nicole Ghêne, exposée jusqu'au 18 janvier au Musée d'Ixelles.
Détail, Promenade à Rouge-Cloître de Paul Delvaux, 1923, huile sur toile
Zoom àRouge-Cloître
Tant d’impressions
Fidèle à la nature qu’il représente durant ses jeunes années, l’artiste voyage depuis l’enfance dans le train qui le ramène chez lui, dans sa campagne natale, près de Liège. À travers les paysages qu’il peint à son image, Paul Delvaux façonne des personnages solitaires.

Entre le réalisme que lui enseigne Alfred Bastien et l’influence impressionniste de Cézanne et Renoir, il peint l’immensité de la nature qu’il côtoie, à la manière des postimpressionnistes, héritiers déviant de l’impressionnisme moderne.

Détail, La gare de Paul Delvaux, 1922, huile sur toile
La gare,plus tard
Voyageur, Paul Delvaux n’est pas un badaud ordinaire. Il se rend presque tous les jours à Rouge-Cloître en région bruxelloise et régulièrement dans les gares pour y peindre ce qui l’inspire.
Détail, Le port de Bruxelles de Paul Delvaux, 1922, huile sur toile
Durant sa période postimpressionniste, Paul Delvaux esquisse beaucoup d’essais mais abandonne leurs sujets pendant quelques années. Sujets qu’il retravaille à partir des années 50, son art mûri, après la guerre.
Détail, Les noces à Antheit de Paul Delvaux, 1932, huile sur toile
Tant d’expressions
Incommunication, froideur et silence sont les maîtres mots de l’oeuvre de Paul Delvaux. Grand rêveur, il peint « Les noces à Antheit », son mariage imaginaire avec Tam, amante aimée à qui il dut renoncer avant de l’épouser des années plus tard.
Détail, La tentation de Paul Delvaux, 1934, encre de Chine sur papier
Élément insolite, vous dites ? Car l’expressionnisme s’apparente à une réalité bizarre et angoissante, rapport aux atrocités de la Grande Guerre.

Événement insolite ? En 1930, Paul Delvaux visite une maison close bruxelloise avec un cousin médecin. L’événement influencera ses dessins de femmes nues, de prostituées (cachés jusqu’alors) et son mythe de la femme idéalisée.

 

Détail, Le rideau rouge de Paul Delvaux, 1934, huile sur toile
Leverde rideau
Bien qu’impressionné par l’expressionnisme de Gustave De Smet ou James Ensor, Delvaux l’a bien dit, quand il dessine des hommes, c’est lui-même qu’il représente. Sortes d’autoportraits insolites. Certains de ses portraits, quant à eux, ont largement été influencés par l’art figuratif de Modigliani (Le rideau rouge).
Détail, Léda de Paul Delvaux, 1948, encre de Chine et aquarelle sur papier
Le surréalisme
Là où le rêve prend le pas sur la réalité, Delvaux pose sa patte surréaliste. La découverte de De Chirico en 1934, lui offre une révélation poétique dont il garde les caractéristiques de l’architecture classique (« Les courtisanes », 1944). Influencé par René Magritte, le rêve, l’onirisme et la théâtralité d’une mise en scène sensible et déposée donnent à ses personnages des attitudes peu naturelles, hiératiques, un peu figées. Un univers atemporel, un mélange des genres qu’il arrange selon son imagination.
Détail, Coiffeur pour dames de Paul Delvaux, 1933, huile sur toile
Delvaux, c’est l’association d’éléments disparates qui n’ont aucun rapport entre eux. Éléments toujours en accord avec le lien émotionnel que l’artiste connaît de la vie. Delvaux, c’est le silence angoissant des personnages stagnant et de leurs voix d’où ne jaillit aucun son.
Détail, L'Éloge de l'astrologie de Paul Delvaux, 1941, encre de Chine et lavis sur papier
À l’inverse des surréalistes de l’époque souvent provocateurs et iconoclastes, Delvaux ne retient pas d’engagement politique. Il peint une ambiance poétique, pleine d’étrangéité. Et sa passion pour la littérature de Jules Verne ne traduit que mieux son goût pour les voyages, qu’ils soient réels, imaginaires ou fantastiques.
Détail, Le bout du monde de Paul Delvaux, 1968, lithographie

 

Et tant de femmes

Femme irréelle, femme fatale, femme incestueuse ou ancêstrale, la femme est partout dans l’oeuvre de Paul Delvaux. La femme sous toutes les coutures devient « monumentale ».

Détail, La femme au miroir de Paul Delvaux, 1948, encre de Chine et aquarelle sur papier
La mère pour la maternité, la femme avec un grand F idéalisée, inacessible, l’amante platonique, l’amante fidèle ou homosexuelle. D’une mère autoritaire lui enseignant une image négative et méfiante, naîtra sa construction du mythe de la femme, figure inaccessible dont il peindra les traits mystérieux durant sa vie entière.
Détail, Le modèle de Paul Delvaux, 1920-1921, huile sur toile

Paul Delvaux dévoilé au Musée d’Ixelles, 71 rue Jean Van Volsem, 1050 Bruxelles, T. +32 2 515 64 22, www.museedixelles.irisnet.be

Jusqu’au 18 janvier 2015, de 9 h 30 à 17 h 30, fermé le lundi

Entrée : 8 €, 5 €.