Le riad de Valérie Barkowski

Sophie Schneider -

Dans le dédale étouffant de la médina de Marrakech se cache Dar Kawa, le havre de Valérie Barkowski. Un riad, choisi en 1996 après en avoir visité 300 et rendu à la vie, il y a dix-huit ans déjà. Calme, créativité, inspirations
Bazar philosophiqueClairs obscurs
© Tanguy Cortier
Contrastes et lumières, patio ombragé ponctué d’orange(s), déco qui ne fait pas décor, mais participe à l’esprit du lieu. Esprit et pas concept : une zénitude curieuse, une fausse immobilité, un immuable éphémère, une paix qui ouvre l’esprit. La maison ressemble à sa propriétaire : ombre et lumière, lune et soleil, écoute et générosité. Belles proportions, détails d’époque soulignés sans ostentation dans cet espace apparemment gris et blanc, baigné d’une lumière changeante, les couleurs trouvent leur juste place, l’abondance reste simple, les œuvres d’art résonnent et on ne sait pas si le cheval d’arçon, venu de la rue Blaes et posé, canaille, dans le patio, est là pour exercer le corps ou pour stimuler l’esprit d’une cavalcade imaginaire.

 

© Tanguy Cortier
Installée dans son grand canapé garni de coussins de sa création, Valérie Barkowsi, styliste, créatrice, directrice artistique… se raconte, pudique et rieuse à la fois. Depuis la marque Mia Zia qu’elle avait créée avec 100 dollars en main (avec le succès que l’on sait) pour financer sa fondation artistique Sahart et qu’elle a quittée en 2007, à ses différents projets d’aménagement de lieux et de direction artistique, la créatrice a surtout besoin d‘une étincelle pour se lancer. Ce peut être une rencontre, un produit, une matière, un savoir-faire et souvent, c’est tout à la fois. Cette mère porteuse de marques, comme elle s’appelle, crée puis donne. Cela ne lui appartient plus et le voyage autant que la rencontre font partie de la conception. Résultat, son travail révèle la modernité des traditions ancestrales utilisées dans des créations modernes et joyeuses.
FondationSahart
© Tanguy Cortier
Dar kawa date du XVIe siècle, de la même époque que la Medersa Ben Youssef. Le blanc et le gris dominent, non seulement parce que confrontée à la couleur dans son travail, la styliste a besoin d’un espace simple, libre, neutre pour se ressourcer, mais aussi parce qu’elle aime pouvoir tout changer de place. Et la couleur emprisonne en dictant aux pièces leur destination. Ici, la chambre dans laquelle Valérie aime travailler et dormir, carrée, de belles proportions, c’est la chambre d’hiver où elle aime s’endormir en regardant les flammes dans la cheminée.
Shopping àMarrakech
© Tanguy Cortier
La cuisine est un bel exemple de ce twist permanent entre hier et maintenant, cher à Valérie Barkowski, accumulant sur ses étagères vaisselle blanche d’esprit moderne et de fabrication traditionnelle et, sur un mur, une installation de louches en bois comme autant de réceptacles à la lumière zénithale.
Culturelocale
© Tanguy Cortier
Loin, très loin de la tendance mille et une nuits, tadelakt et lanternes à foison, l’esprit de la maison est celui de sa propriétaire. Frais, intemporel et apaisant. Elle s’entoure de ce qu’elle aime, comme certaines oeuvres d’art et des créations sur lesquelles elle est en train de travailler, comme les coussins de la marque indienne Bandit Queen, un pouf et un fauteuil NO-MAD ou encore d’autres coussins, fabriqués à partir de chemises trouvées aux puces… Tradition, réinterprétation, modernité : la maison évolue au fil du temps, mais garde toujours son esprit.

 

DécouverteSarah Carlier
© Tanguy Cortier
Quelques grands draps, des fleurs, des bougies lui suffisent pour s’installer et se recréer un chez-soi. Pas matérialiste, la créatrice préfère l’esprit à l’objet. Si elle devait quitter Dar Kawa ? Elle emporterait juste quelques œuvres d’art acquises de l’Afrique au Maroc au gré de ses rencontres avec leurs auteurs et le souvenir des moments de bien-être et de bonheur, comme ceux passés sur le toit-terrasse après le déjeuner à regarder passer les hirondelles tandis que résonne sourdement l’appel à la prière. Recommencer libre, c’est sa route.