BD
Double note

Gilles Bechet -

Dans le Beyrouth des années 60, un musicien farfelu et inspiré invente un piano capable de jouer tant la musique occidentale que la musique orientale. Reste alors à convaincre le fabriquant viennois Hofman de produire cet instrument révolutionnaire.

 

©Zeina Abirached, Le Piano Oriental
L’auteur de BD libanaise Zeina Abirached s’est inspirée de son arrière grand-père musicien et inventeur du piano oriental pour créer le personnage fantasque de Abdallah Kamanja.  Je ne l’ai pas connu, mais on en parlait tout le temps dans la famille. J’ai beaucoup fantasmé sur le personnage pour pouvoir choisir ce qui m’intéressait dans son parcours.  raconte-t-elle.

 

©Zeina Abirached, Le Piano Oriental
En même temps qu’elle raconte les pérégrinations de son aïeul, elle déroule le fil des souvenirs de son installation à Paris et des aller-retours avec son pays natal. Partie pour écrire un récit situé dans le Beyrouth insouciant d’avant la guerre autour de l’invention d’un piano capable de parler deux langues musicales, Zeina  Abirached fait le rapprochement avec ses deux langues maternelles, le français et l’arabe dont les entrelacements, les rejets, les retrouvailles et les doubles sens ont construit sa personnalité.

 

©Zeina Abirached, Le Piano Oriental
Dessinées en noir et blanc, au trait et en aplats, ses planches fourmillent de petits détails et se permettent de régulières envolées visuelles comme des notes soutenues ou des explosions graphiques. Je me laisse porter par le récit en avançant par double page. Après des scènes très bavardes, je trouve reposant d’avoir des pages à seulement regarder, avec des choses à ressentir plus qu’à comprendre.

 

©Zeina Abirached, Le Piano Oriental
C’est un album à écouter autant qu’à lire. Au fil des pages, elle s’amuse à répercuter le scrouitch et le clac des bottines neuves d’Abdallah sur les trottoirs, le cui de Ludwig, le canari, ou le flap et le plouf des poissons volants. Pour coller au sujet de la musique comme de la langue, je voulais plonger le lecteur dans un album aussi sonore que visuel en travaillant le motif et le détail.  

 

©Zeina Abirached, Le Piano Oriental
A l’image des déambulations insouciantes d’Abdallah et de son ami Victor, le récit avance sur un petit nuage à peine ombré d’une touche de mélancolie qui teinte le regard attendri de Zeina Abirached.  Je viens d’une ville et d’une époque où on a vécu des choses terribles qu’on compensait par l’humour. J’avais besoin de cette légèreté pour évoquer une génération qui s’est éteinte avant que la guerre n’éclate et qui pensait que rien ne changerait. C’est la fin d’un monde.
Le pianooriental
©Zeina Abirached, Le Piano Oriental
L’exemplaire unique du piano oriental de son arrière grand-père est toujours dans sa maison natale à Beyrouth.  Le piano n’est pas indispensable à la musique orientale. C’est un projet presque inutile. Un geste gratuit, donc poétique. Mais j’ai demandé à ce qu’il soit accordé. J’aimerais qu’on joue à nouveau dessus. Avec Abdallah, ça a été l’histoire d’un rendez-vous manqué. Si cette BD pouvait raviver l’intérêt pour ce piano et lui redonner sa voix, j’en serais très heureuse.