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Trap
Trap (c) Mathieu Burniat + Loup Michiels / Dargaud
Trap
Trap (c) Mathieu Burniat + Loup Michiels / Dargaud
Trap
Trap (c) Mathieu Burniat + Loup Michiels / Dargaud

BD
La règle de Trap
( se faire) manger?

Gilles Bechet -

Dans cette BD sans paroles, qui se lit d’une traite le souffle court, Mathieu Burniat et Loup Michiels suivent un chasseur et son chien dans une jungle pleine de surprises et peuplée d’étranges et féroces créatures.

La règle de Trap

On ne connait pas son nom. C’est une BD sans paroles. Vêtu de peaux de bêtes, il vit dans une forêt peuplée de créatures étranges aux grandes dents et aux griffes acérées. Il est accompagné d’un chien bleu. Il a un gros nez comme dans la BD franco-belge, mais les scènes d’action font plutôt penser aux mangas. Cette curieuse BD est le résultat de la première collaboration d’un duo d’auteurs belges, Mathieu Burniat et Loup Michiels.
Le personnage, appelons-le trap, trappeur de son état, est doté d’un pouvoir magique bien pratique : aussitôt qu’il enfile une peau de bête, il acquiert les qualités de l’animal, vision, écoute, puissance musculaire, vitesse ou férocité.

Métamorphoses

A première vue, Trap a l’air plutôt placide mais dans le monde impitoyable de cette forêt primitive, il ne peut se permettre le moindre relâchement. Témoin d’un massacre dans un village, notre héros part à la recherche du responsable, un mystérieux monstre rouge sans yeux doté d’un impressionnant râtelier denté. L’être qu’on avait pris pour une brute épaisse se révèle être un homme traversé d’émotions et de sentiments. Comme quoi, les métamorphoses ne sont pas que physique. La narration qui se déroule avec fluidité alterne les séquences atmosphériques avec des moments burlesques que ne renierait pas le Picha de Tarzoon. Puis pour accélérer la cadence, on a d’ébouriffantes séquences de castagne et d’action.

Organique

Dans cette forêt du bout du temps et du bout monde, il faut être un peu chaman pour survivre, et savoir comment amadouer le feu et les esprits supérieurs. C’est comme dans une transe que Trap et son compagnon poursuivent leur quête, traversant des paysages qui se métamorphosent avec une fluidité organique. On passe d’une forêt moite aux profondeurs souterraines et des plaines arides à des montagnes dentelées.
Le plaisir manifeste pris par les auteurs pour dessiner et jouer avec les couleurs de cette histoire est communicatif et addictif et on dévore les pages de l’album avec avidité.

Sans paroles

On n’est pas habitué aux histoires sans paroles, on pense qu’on peut aller vite, laisser le regard dégringoler au bas de la page, c’est pour ça qu’on y revient avec plaisir pour une deuxième et troisième lecture qui révèlent dans chaque case nombres de petits détails qui participent de la narration.

Il y a des histoires qui appellent de la musique, Trap est de celles là. En dessinant Mathieu Burniat a écouté un plateau garni qui passait de Kekra, à Robert Wyatt en passant par Radiohead et Moondog, dont il ferait la seconde peau musicale de Trap. En écrivant cette chronique, un album s’est imposé, le Bitches Brew de Miles Davis. Un cocktail électrique, organique, touffu et coloré. Une autre métamorphose.

 

Trap a obtenu le prix de l’Album de l’année aux premiers Prix Rossel de la Bande Dessinée.

 

Trap, Mathieu Burniat + Loup Michiels, Editions Dargaud, 180 pages couleurs, 13 €

Disponible sur Bazar e-Shop