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Modern Studies
Modern Studies (c) Fire Records

CD
L’ensorcelante tapisserie pop
de Modern Studies

Gilles Bechet -

Derrière un nom et une pochette un peu austère Modern Studies cache une merveille de pop pastorale et aventureuse qu’on explore avec gourmandise. Avec ce deuxième album, le quatuor écossais ajoute sa partition à la déjà riche histoire de la pop britannique où se croisent l’excentricité, la délicatesse et l’évidence des mélodies imparables.

 

 

Formé autour du duo de chanteurs et multi-instrumentistes Emily Scott et Rob St. John, le groupe tisse de délicats arrangements où instruments acoustiques et électroniques, cuivres, cordes et synthés s’imbriquent les uns dans les autres dans de subtils ornements jamais surchargés. Comme Swell to Great, leur premier album, Welcome Strangers a été enregistré dans un studio du Perthshire. Les dix chansons sont à l’image de la région magnifiée par Walter Scott où les vallons tranquilles succèdent aux forêts luxuriantes, les landes désolées aux pics majestueux, les maisons solitaires caressées par le vent et les villes dynamiques où l’on se retrouve dans les pubs pour refaire le monde ou réécrire une histoire d’amour.

pop de chambre

L’album s’ouvre sur Get Back Down, chanson élégiaque à la rythmique subtile où la voix douce et cristalline d’Emily chante le retour auprès de ses amis avec le souvenir des paysages traversés et la douceur du baiser d’un inconnu. Elle commence doucement, puis les couleurs s’ajoutent les unes aux autres, les cordes enlacent les cuivres dans cette petite perle de pop de chambre mise en couleurs par les Pumpkinseeds, orchestre maison où les amis, femmes et enfants brodent sur la mélodie. N’habitant pas dans les mêmes coins d’Ecosse, Emily et Rob ont complété certains enregistrements comme un jeu de piste. Emily raconte que pour le single Mud and Flame son comparse lui a envoyé une cassette enterrée pour quelques jours dans la terre de son jardin et qu’elle lui a rendu la pareille avec une bande plongée dans un pot de gin et tonic. A l’image de ces quelques discrètes bizarreries sonores, la musique du groupe regorge de surprises et de magie sans abandonner la familiarité du format pop.

voix en lévitation

Disco nous prend par la main pour explorer une maison isolée alors que les branches de l’arbre du jardin frappent contre la fenêtre et s’emballent pour rappeler le rythme de l’orchestre de bal de l’école lors d’un après-midi d’automne. L’irrésistible refrain se glisse avec son WOAAAAH, comme une voix en suspension dans l’air, une lumière dans l’air sec et froid. Sur Let Idle Hands Emily et Rob unissent leurs voix en lévitation sur un tapis percussif avec des violons qui tourbillonnent en arrière plan. Avec son patchwork de cordes, It’s Winter évoque une balade dans la ville couverte d’un tapis de neige qui étouffe le bruit des pas rendant le déplacement encore plus irréel. Phosphene Dream conclut l’album en beauté. La voix ensorcelante d’Emily Scott répond à celle plus grave de Rob St. John en cousins écossais de Nick Cave et Kylie Minogue qui auraient abandonné les tragédies gothiques pour une valse dans l’obscurité en se laissant guider par les traces que laisse la lumière quand on ferme les yeux. En suspension hors de temps, la musique et les chansons de Modern Studies grandissent et s’ouvrent et se referment avec douceur, comme un film intime en cinémascope. On étudie avec bonheur ces paysages étranges et familiers parce qu’on sait qu’ils offrent un remède souverain contre la solitude.

 

Welcome Strangers, Modern Studies, CD Fire Records, 10 titres, 41 minutes