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Son Lux
Brighter Wounds (C) Son Lux / City Slang

CD
Les incandescents fantômes
de Son Lux

Gilles Bechet -

Comment décrire la musique du groupe américain Son Lux à ceux qui ne l’ont jamais entendue ? Epique et minimaliste, électronique et acoustique, riche en textures mélodiques aussi. Pour Ryan Lott, chanteur, multi-instrumentiste et membre fondateur, ce serait le corps et l’esprit, pour Rafik Bhatia, guitariste, la lumière et l’obscurité comme sur les vieilles pochettes des disques Blue Note.

 

 

Laboratoire musical

C’est sans doute une description un peu facile, mais il y a une part de vérité car leur musique fonctionne sur des oppositions entre le vide et plein, l’euphorie et la crainte. Son Lux a commencé comme un projet solo de Ryan Lott, fan de Beethoven, d’afro beat, de jazz et de hip hop. Le groupe est aujourd’hui un trio grâce à l’apport du guitariste Rafik Bhatia et du batteur Ian Chang, deux musiciens qui accompagnaient Ryan Lott sur scène après le troisième album Lanterns. Au sein de ce véritable laboratoire musical chacun poursuit des projets solos qui enrichissent le son du groupe. Dans leur musique qui mêle acoustique et électronique, il est souvent difficile de distinguer quelle est la nature de l’instrument qu’on entend tant les trois alchimistes prennent plaisir à trafiquer leurs sons. Le miracle, c’est que leur musique, qui ne ressemble à aucune autre, reste mélodique, jamais rébarbative ou abstraite. C’est peut-être le résultat des années passées par Ryan Lott a écrire des musiques pour des pubs, des films et des spectacles de danse.

Affronter la réalité

J’espère que tu étais un rêveur lance en ouverture de Fourty Screams la voix fragile de Lott sur un lointain arpège de guitare. Un peu plus loin une masse s’abat avec fracas avant qu’il ne s’inquiète du futur dressé devant lui. On plongé en plein Son Lux avec ses montagnes russes sonores et émotionnelles et cette voix étrange posé sur une musique aux arrangements complexes. Toujours ambivalent, il se demande s’il est un jeune esprit dans un vieux corps ou un vieil esprit dans un jeune corps, coincé entre la langue et le toit, criant amour, amour.
Dream State avec sa pulsion épique, fait le lien avec l’album précédent Bones. L’écoute au casque donne la mesure de la richesse et la subtilité des arrangements qui se superposent et se répondent. C’est une chanson nostalgique en réaction avec l’état du monde. Un souvenir mélancolique de la jeunesse et une injonction à se réveiller de cet état de rêve éveillé pour affronter la réalité. L’album a été marqué par deux événements l’élection de Trump et la naissance du fils de Ryan Lott. A nouveau, l’obscurité et la lumière, l’abattement et l’euphorie.

Riche tapisserie sonore

Passé les deux premiers titres, Brighter Wounds se déploie sur un mode down tempo comme un genre de soul blues déstructuré et traversé d’interférences. Sur l’album, les trois musiciens enrichissent leur palette musicale des sons d’un orchestre de chambre, de violons indiens, d’un cœur d’enfants, d’une trompette et même d’un broméophone, un instrument fabriqué à partir de tubes en PVC, mais chacun de ces apports se fond dans une riche tapisserie sonore où il est hasardeux d’isoler les fils et couleurs.
Slowly qui fait l’objet d’une vidéo un peu creepy, est un parfait exemple de l’ambiance mélodique de l’album. Côté soleil on a une balade pop, presque un slow à l’ancienne, qui incite aux étreintes et aux lumières tamisées et côté ombre, il y a des sons parasites, des arrêts soudain comme si la chanson se construisait doucement sous nos oreilles à mesure que l’on progresse en terrain inconnu.
Aquatic est une autre merveille d’une apparente simplicité mélodique avec son chant presque murmuré, son piano lointain et ses glissades de violons orientalisantes.
Dans All Directions ou Surrounded, le batteur Ian Chang fait preuve de toute sa science et de son inventivité percussive. Le rythme rebondit sur les sons trafiqués qui finissent parfois par ressembler à celui d’une bille sur une table. Dans ce Brighter Wounds, Ryan Lott et ses comparses cherchent à se guérir des blessures du monde par une musique aussi troublante qu’émouvante et doucement réconfortante.

 

Brighter Wounds, Son Lux, CD City Slang 10 titres, 45 minutes
en concert à l’AB le 17 février