Dans l’atelier
d’Isabelle de Borchgrave

Simon Brunfaut -

Se rappelant avec émotion les couleurs de la Mer du Nord, Isabelle de Borchgrave présente une nouvelle collection de plissés en papier. Dernièrement, c'est aussi à la sculpture qu'elle s'adonne, créant de nombreuses pièces de mobilier en bronze. Ce nouveau travail est exposé à la galerie Berko, à Knokke, du 6 au 16 aout.

 

®Jean-Pierre Gabriel
D’abord, il y a un lieu, désormais bien connu des amateurs d’espaces atypiques à Bruxelles, magnifique refuge à l’intérieur de la ville. À la fois lieu privé, lieu d’exposition et lieu de travail ; l’ensemble a été conçu par les architectes Claire Bataille et Paul Ibens. L’endroit appelle à la promenade curieuse :  des jeux d’eau, un jardin, un atelier à l’étage, de vastes pièces lumineuses. Au fur et à mesure, pièces après pièces, tout se déplie comme par magie. En pour cause, une harmonie étonnante se construit ici autour de la fonction du pli. C’est dans cette profusion, dans cette réalité à multiples facettes, ses envers et ses endroits, qu’il faut chercher l’aspect sensiblement baroque du travail d’Isabelle de Borchgrave.

 

©Isabelle de Bochgrave
Dans un coin de l’atelier, Isabelle de Borchgrave apparaît furtivement. Premier constat : elle ne tient pas en place. Elle virvolte ; elle paraît insaisissable. A certains moments, elle s’arrête, marque une pause dans son discours et vous fixe pour s’assurer que vous suivez, et puis reprend sa danse. C’est un ballet russe à elle seule. Ici des maquettes, là des croquis, des plans, des crayons, des morceaux de tissus posés sur les tables ; en haut, suspendus au plafond, des poissons en papiers nagent lentement vers des abysses inconnues. L’endroit fourmille de projets en cours, en suspens ou à venir. Si on tend l’oreille, on peut percevoir le bruissement d’un papier : une ligne vient d’être tracée, deux assistantes s’affairent. Le silence travaille dur.

 

©Isabelle de Bochgrave
Si le nom d’Isabelle de Borchgrave est associé à la mode et au papier, son travail actuel est à la recherche d’une tonalité tout-à-fait particulière : la lumière. Pas n’importe laquelle, cependant. Celle de  la mer du Nord, répète-t-elle. A lui seul, ce nom évoque l’enfance, les stations balnéaires, les courses effrénées sur la plage, les aurores immédiates et les lents couchers de soleil. Etrangère à toute forme de nostalgie, Isabelle de Borchgrave rit : elle a horreur de l’esprit de sérieux. D’ailleurs, elle revient très souvent sur la notion d’ amusement. Elle parle de la main. Et cette main s’exprime de toutes les manières, voyage sur les matières, qu’elles soient délicates ou plus rugueuses. L’inspiration, elle aussi, ne cesse de voyager. Le voyage, toujours le voyage. On ne serait pas étonné d’apprendre qu’Isabelle de Borchgrave a découvert des terres inconnues, tant elle arpente la Terre avec jubilation.

 

 

©Isabelle de Bochgrave
Cette autodidacte refuse une à une les étiquettes qui lui sont présentées. Toutefois, des noms viennent à l’esprit pour caractériser ce travail : Matisse certainement, peut-être Nicolas De Stael pour certaines pièces, Delaunay et les Nabis à coup sûr. Toujours à la recherche de nouvelles collaborations, certaines très prestigieuses, d’autres plus confidentielles, certaines plus lucratives, d’autres moins, l’atelier est une petite entreprise qui poursuit son chemin à travers le marché de l’art contemporain qu’Isabelle De Borchgrave ne se gène pas pour tancer vertement. Actuellement, c’est à la sculpture qu’elle s’adonne. Légères et végétales, ce sont des chaises et des tables en bronze qui semblent prêtes à fleurir à tout moment dans les jardins ou les salons. Et puis, tout au bout, un rêve qui lentement prend forme : une  histoire en papier de la route de la Soie .

 

©Isabelle de Bochgrave
Quel est cet étrange plaisir qui pousse à plier, à faire et à défaire ? Est-ce le son caractéristique du papier qui se froisse, son toucher émouvant ? Sans doute une manière de ne pas s’en tenir à la réalité, d’y introduire du mouvement à n’importe quel prix. Un peu partout se dessine, au travers de cette oeuvre protéiforme, des mondes imaginaires peuplés de songes anciens, de silhouettes éphémères, de cartes vierges. On se surprend à rêver à des passés indéfinis et des histoires extraordinaires. On voudrait s’y attarder, y attacher une impression particulière, mais on craint de ralentir la course de l’ensemble du vaisseau.
Isabelle de Bochgraveinfos pratiques
©Isabelle de Bochgrave
A l’intérieur de ce carnaval de dorures, de perles, de soies et de velours, tout vient rappeler ici les kaléidoscopes et les jeux d’optique. L’ensemble, fluide, n’offre que peu de prises possibles. Il faut donc le laisser flotter et filer vers l’horizon. Entre ses frissons de lumière et ses couleurs qui fuient ou reviennent, cette oeuvre se place délibérément en marge, à la recherche d’une réponse à cette question : comment exprimer la force de la fragilité ? Laissez parler le papier, semble-t-elle dire avant de quitter la pièce, en esquissant un ultime sourire.