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Des livres &+
Chambres noires
pour nuits blanches

Anouk Van Gestel -

Chaque vendredi, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres, réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.

Vous avez aimé Ecouter le noir, R.J. Ellory, Sophie Loubière, Romain Puertolas …

Vous serez  ébranlé.e par Chambres noires

Il y a le chasseur et son Vieux fusil qui se réveille un matin dans une pièce noire; Mathilde qui fait partie de l’Armée des ombres, ces femmes et hommes qui se réveillent à l’aube pour nettoyer des kilomètres d’open spaces parce qu’il faut bien survivre; Axel et Julie qui prennent la route pour quelques jours de vacances avec l’espoir de toucher du doigt ce Monde parfait; et il y a « Gloria », son nom de résistante, qui finit ses jours dans une maison de repos par temps de Covid. Quatre nouvelles inédites auxquelles se sont ajoutées quatre nouvelles déjà parues et qui sondent l’âme humaine, de la plus cruelle à la plus bienveillante.

L’extrait  

Ici, la plupart des aides-soignantes sont bienveillantes. Bien sûr, il y a deux ou trois peaux de vache dans le lot, proportion tout à fait acceptable quand on connaît la nature humaine. Il y en a notamment une qui s’appelle Maryse. Entre nous, on la surnomme « Martyrise ». C’est moi qui lui ai trouvé ce joli surnom et je n’en suis pas peu fière ! Une vraie salope. Je n’aime pas employer ce genre de mots, mais je n’en vois pas d’autres pour la qualifier. La nature ne l’a pas gâtée, mais ce n’est pas une raison pour se venger sur nous. Elle s’acharne particulièrement sur celles et ceux qui ne peuvent plus se défendre. ceux qui n’ont plus de force, plus de mémoire. Ceux qui ne peuvent plus parler ou n’ont plus personne à qui parler. Ses cibles préférées vivent au deuxième étage. L’étage des alzheimers.

Entre les lignes

La nature humaine, cela fait longtemps que Karine Giebel ne se fait plus d’illusions. D’ailleurs, existe-t-il une nature humaine, cette essence qui ferait que tous les hommes correspondraient à une définition ? Non, nous sommes tous différents. Les personnages des nouvelles de ce recueil également. Certains sont glaçants, d’autres se contentent de suivre le cours d’une vie placée sous le signe de la malchance, et puis il y a les héros du quotidien. Qui agissent, se révoltent, avec leurs petits moyens. Pour une vie meilleure, par solidarité. D’une nouvelle à l’autre, on les découvre, on s’émeut, on se fige, on réfléchit. Huit nouvelles. Les quatre premières ont trouvé l’inspiration dans des titres de films. L’armée des ombres m’a bouleversée, tout comme Au-revoir les enfants. Ces nouvelles racontent et dénoncent les injustices du monde d’aujourd’hui, ses manquements, la pauvreté qui s’étend, le découragement, l’esprit de vengeance. Terriblement efficace, écrit avec un style percutant qui va droit au but,… addictif !

Chambres noires, Karine Giebel, Belfond éditions, 18 €.