Roumanie
insoupçonnée

Gilles Bechet -

Pour sa 50eme édition, le festival Europalia invite la Roumanie. Des arts plastiques aux arts de la scène, en passant par la musique, l’architecture, le cinéma ou la littérature, la culture et la création roumaine se déploieront dans toute la Belgique pour quatre mois. On n’y verra pas Dracula, mais peut-être bien des ours venus des Carpates. A vos agendas!
Constantin Brancusi , Muse endormie, 1910 BOZAR © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist.RMN-Grand Palais - Adam Rzepka, Sabam Belgium, 2019
Il est un des artistes roumains les plus importants de XXe siècle. Constantin Brancusi a eu un parcours passionnant qui a jalonné celui de la sculpture moderne. Arrivé à Paris en 1904, il pratiquait un art encore assez académique mais progressivement, il va libérer ses formes et la matière pour arriver à l’épure de sa fameuse muse endormie. Cette première monographie présentée en Belgique rassemble 200 pièces et s’attache à dévoiler les mystères qui entourent encore une oeuvre inclassable. A côté des sculptures, on découvrira de nombreuses photographies avec lesquelles il pouvait aiguiser le regard du spectateur et contrôler le message sur son travail et sur lui-même.

Brancusi. Sublimation of form, 02.10.19 > 12.01.20, Bozar

Applique Discoïdale (Le trésor de Sarasău), 1400 – 1300 BC, © National Museum of Romanian History Figurine “Le Penseur”, 5000 – 4600 BC © National Museum of Romanian History
La Roumanie a toujours été un carrefour des civilisations aux confluences des cultures slave, balkanique et germanique. Cette région du Danube est la première à connaître la révolution néolithique au milieu du 7ème siècle avant notre ère. Sédentarisés, les habitants de la région vont développer une des plus anciennes métallurgies d’Europe, du cuivre et de l’or, du bronze ensuite. L’exposition rassemble des pièces exceptionnelles, souvent d’une modernité confondante, provenant entre autres du Musée national d’histoire de Roumanie ainsi que des objets et parures provenant de fouilles très récentes et exposées pour la première fois.
D’un monde à l’autre, les civilisations du Danube, 18.10.19 > 26.04.20, Grand Curtius
Dacia Felix © SHSH
La Dacie est le nom romain de la province correspondant à peu près à la Roumanie actuelle. Avant l’arrivée des légions de l’Empire, la région était habitée par les Daces et les Gètes, deux peuplades qui avaient des échanges permanents avec les populations environnantes, venues du bassin méditerranéen ou des steppes eurasiennes. Extirpées pour la première fois de la chambre aux trésors du Musée national d’histoire de Roumanie, ces magnifiques objets en or et en argent témoignent des influences culturelles croisées entres ces ethnies différentes, venues parfois de loin. Les organisateurs ont ainsi découvert que les Légions qui ont conquis la Dacie comptaient des hommes en garnison à Tongres. Véritable voyage dans l’antiquité, l’exposition replacera chaque culture dans son contexte et ses paysages.
Dacia Felix, 19.10.19 > 20.04.20, Musée gallo-romain de Tongres
Taraf de Impex photo Gilles Bechet
On dit que Brancusi a fait découvrir la musique des Tarafs à Erik Satie lors de l’exposition universelle de Paris en 1898. Toujours vivace aujourd’hui, l’héritage musical de ces orchestres de troubadours tziganes se perpétue par delà les générations. En témoigne le courant de néo gypsy music que pratiquent certains groupes à l’instrumentation résolument contemporaine et électrique comme le projet Impex, formé il y a sept ans autour du studio du même nom. A l’occasion de cet Europalia, les jeunes pousses de Impex croisent leurs instruments avec ceux de quelques musiciens du Taraf de Haïdouks menés par Gheorghe « Caliu » Anghel, le fameux violoniste qui joue plus vite que son ombre. De ce métissage entre générations jaillit une musique authentique et moderne, urgente et festive comme jamais.
Taraf De Impex, 21.11.19, Ancienne Belgique
deathbycoconut © dbc
Il ne faut pas croire qu’une une noix de coco tombée sur l’occiput vous sera nécessairement fatal. C’est peut être au contraire la porte d’entrée pour un univers étrange, hypnotique et séduisant. Celui de deathbycoconut. Belle flamme de l’underground roumain le groupe s’est formé en 2015 à Bucarest. Son style éclectique combine kraut rock, post punk, trip hop, electro et pop. Leur musique mélodieuse et expérimentale nait de longues improvisations dans leur home studio. Ils puisent leur inspiration dans une enfance terne et violente dans la Roumanie des années 80 et dans leur passion pour les films de série B et leur bandes originales. Le seul rayon de soleil dans cette morne grisaille scintillait dans le regard de Brooke Shields échouée sur la plage du Blue Lagoon.
Deathbycoconut, 28.11.19, Ancienne Belgique, 29.11.19, Le Vecteur
HIT (c) Claudia Radulescu
Artiste multimédia roumaine basée à Bruxelles, Claudia Radulescu a fait d’une chanson l’objet d’un projet qui a emporté le Europalia curator’s award. Une chanson qui parle d’imposture et dont elle a eu l’idée en assistant à un office orthodoxe lorsque le prêtre disait à ses fidèles de tourner le dos à l’ouest et de tourner le dos à Satan. L’artiste a choisi de se tourner vers l’ouest et de rencontrer le diable pour déjouer l’imposture. La chanson est un mix de genre qui sonne comme un électro hypnotique et flottant. Pour l’installation, Claudia a collaboré avec la curatrice Els Vemang. Jouant avec des objets, photos, signes et motifs, elles créent une partition spatialisée et horizontalisée. Tous les partenaires de cette création d’un hit hypothétique, musiciens, producteurs, agence de presse, radio et journalistes deviennent les figurants d’une pièce musicale qui a un début mais pas de fin.
Claudia Radulescu, Hit 14.12.19 > 26.01.20, Kanal Centre Pompidou
Infospratiques
The Scarlet Princess (c) Teatrul National Radu Stanca Sibiu
Plusieurs milliers de kilomètres séparent la Roumanie du Japon. Sur la scène, cette distance n’existe plus. Grand créateur d’images scéniques visionnaire et grand metteur en scène de classiques, Silviu Purcărete s’est emparé d’une oeuvre majeure du répertoire Kabuki. Comme dans la tradition japonaise, les rôles féminins y sont confiés à des acteurs et les rôles masculins aux actrices. S’il respecte à la lettre l’intrigue foisonnante où s’enchevêtrent l’absolutisme de l’amour platonique, le suicide, et la violence de la vengeance et des meurtres, le roumain y ajoute des touches d’expressionnisme et d’ironie, dans la scénographie ainsi que dans les flamboyants maquillages et costumes.

The Scarlet Princess, Theater Radu Stanca, 17 > 19.12, Halles de Schaerbeek