end header
Tinda Lwimba ( °1944) Scène de BAR, Lubumbashi, Haut Katanga, RDC, 1996 collection MRAC Tervuren, Huile sur toile 60 x 35 cm, Droits réservés
Chéri-Chérin (°1955) LE CHEMIN DE L’EXIL, Kinshasa,RDC, 2004 collection MRAC Tervuren, Huile sur toile 67 x 93 cm, Droits réservés
Chéri-Chérin (°1955) LA VENDEUSE DE PAGNE, Kinshasa,RDC, 2002 collection MRAC Tervuren, Huile sur toile 105 x 133 cm, Droits réservés
Congo Art Works, Bambi Ceupens et Sammy Baloji, Musée royal de l’Afrique centrale & Editions Racine, 192 pages, 19,50 €
Chéri Samba (°1956) RÉORGANISATION, 2002 collection MRAC Tervuren, Huile sur toile 104 x 134 cm, Droits réservés

LIVRE
DITES-LE EN IMAGES
CONGO ART WORKS

Gilles Bechet -

Mieux qu’un film, mieux qu’un reportage, la peinture populaire du Congo raconte en images. Elle raconte la vie quotidienne, parfois paisible, dans les villages de l’époque coloniale comme l’agitation dans les villes de l’époque moderne et contemporaine. Ces images se souviennent, se montrent didactiques, dénoncent, ironisent où imaginent. On peut y voir la chicote des colons, le chemin de l’exil dans des trains bondés ou des scènes de marchés. On y croise aussi des singes à moto, des sirènes, des serpents tentateurs, Lumumba dans les nuages ou des peintres dans leur atelier.

Dans les années 50

Les œuvres présentées à Bozar sont issues du Fonds de Bogumil Jewsiewicki récemment acquis par le MRAC de Tervuren. Riche de plus de 2000 pièces, cette collection rassemble des images et documents récoltés dans une quinzaine de villes de République Démocratique du Congo par un professeur de l’Université Laval au Québec.

La peinture populaire prend son essor dans les années 50 lorsque un marché et un public apparaissent et que les techniques de peinture sur toile deviennent plus accessibles. Les « évolués », comme on appelle la classe moyenne noire éduquée à l’occidentale, ont commencé à acheter des toiles pour décorer les murs de leurs salons et très vite des collectionneurs sont apparus. Après la période coloniale, ces peintures se sont émancipées des valeurs occidentales normatives pour offrir un miroir de l’histoire en train de s’écrire.

Vous avez dit naïf ?

Il serait facile de ranger ces peintures dans la rubrique de l’art naïf, souvent synonyme de populaire. Qui est le naïf ici, celui qui peint ou celui qui regarde ? Le premier objectif de ces peintures est la lisibilité et l’efficacité, ce qui n’empêche pas l’humour et la poésie, comme dans la ligne claire en bande dessinée avec laquelle les liens sont évidents, ne fut-ce que par l’utilisation des phylactères.

Peintes par des artistes locaux pour des locaux, ces images sont loin d’être simples. Très codifiées, elles sont truffées de symboles, de métaphores tantôt empruntées à l’iconographie des colons, tantôt imprégnées de la mémoire collective ou de la culture des rues et des marchés.

Des images qui parlent aux gens

Il ne faut pas y chercher de chef-d’œuvre mais plutôt un long narratif en images qui se déploie de la période précoloniale à nos jours dans neuf salles de Bozar.

À quelques exceptions près, ces peintres ne se considèrent pas comme des artistes au sens occidental du terme. Ils ont acquis une certaine technique qu’ils appliquent à produire des images qui parlent aux gens. Aujourd’hui, si la plupart de ces artisans travaillent sur commande, ils sont aussi des commentateurs, ironiques, parfois métaphoriques ou symboliques de la vie politique et sociale dans le pays, ou encore, « historiens de l’expérience des gens ordinaires », comme le note Bogumil Jewsiewicki. Leurs images, toujours pertinentes par rapport aux préoccupations des gens ne sont à priori pas destinées à durer ou à être muséifiées. Elles questionnent une thématique ou une situation contemporaine et sont prétextes à la discussion.

Un dynamisme permanent

Congo Art Works marque en quelque sorte un retour en grâce de cet art populaire dans le temple de la culture officielle puis qu’en 1929, le Palais des Beaux-Arts refusait d’inclure dans son exposition L’Art Nègre les pièces qui ne correspondaient pas à la vision qu’on avait à l’époque de l’art et de l’expression indigène. Une des originalités de Congo Art Works est de replacer la peinture populaire dans la continuité de l’art en terre congolaise, depuis les peintures rupestres et les dessins dans le sable.

Longtemps l’occident a cherché à faire la distinction entre les objets coloniaux et les objets ethnographiques purs de toute influence. Une distinction largement arbitraire car de nombreux liens de filiation existent entre les représentations précoloniales et celles qui ont suivi jusqu’à aujourd’hui. La peinture s’inscrit dans le dynamisme permanent d’une culture populaire bouillonnante et ouverte sur le monde, nourrie de la BD, de la musique et des images publicitaires. Celle du Congo du XXIe siècle.

 

Congo Art Works, Bozar, Peinture populaire jusqu’au 22 janvier 2017, www.bozar.be

Congo Art Works, Bambi Ceupens et Sammy Baloji, Musée royal de l’Afrique centrale & Editions Racine, 192 pages, 23,89 €

Disponible à la boutique Bozar au prix de 19,50€ et sur BAZAR e-SHOP via Amazon au prix de 23,89€