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Douglas White
Douglas White
Portraits of my Father as a Horseshoe Bat, Photo A. Greuzat, © Douglas White/ Galerie Valerie Bach
Douglas White
Black Palm, Portraits of my Father as a Horseshoe Bat (détail), © Douglas White/ Galerie Valerie Bach
Douglas White
Portraits of my Father as a Horseshoe Bat, Photo A. Greuzat, © Douglas White/ Galerie Valerie Bach

L’ART DES MÉTAMORPHOSES
DE DOUGLAS WHITE

Gilles Bechet -

Tout art est illusion mais certaines œuvres mieux que d’autres savent jeter le trouble. Les chauves-souris de Douglas White sont des peaux de banane séchées et de la fausse fourrure. Son bœuf est façonné avec des débris desséchés de cactus et ses palmiers à partir de pneus éclatés.

Chauve-souris

En rentrant de l’hôpital de Melbourne où son père est décédé, Douglas White aperçoit un autre cadavre sur le bord de la route, celui d’une chauve-souris morte quelques heures plus tôt. En plein cagnard australien, la créature de nuit semblait dormir, une aile repliée sur sa figure. L’artiste anglais est fasciné par cette vision surgie à un moment si particulier autant que par la texture translucide et membraneuse de l’aile du mammifère. Quelques mois plus tard sur le chemin de mon studio à Londres, je remarque d’un coin de l’œil ce qui ressemble à une aile de chauve-souris sur le sol. En me rapprochant, je vois une chose étrange qui me rappelle immédiatement la matière étirée et lustrée de l’aile de l’animal mort que j’avais vu le jour du décès de mon père.

Banane

C’était la peau d’une banane, noire mais pas encore complètement desséchée. La peau du fruit a alors un éclat très particulier. C’est un état très fragile qui ne dure pas très longtemps, car très vite la peau se ratatine pour se réduire à presque rien. J’ai commencé à garder toutes les peaux des bananes que je mangeais. J’emportais ça dans mon studio et j’ai commencé à les manipuler et à les étirer. A ce moment, je n’avais pas encore fait le lien avec la mort de mon père. Mais au plus je jouais avec ce matériau, au plus j’étais fasciné par ses changements de matière. L’évidence est venue sous mes doigts, j’ai commencé à créer des chauve-souris et c’est comme si à partir d’un matériel inerte, je ramenais des créatures à la vie.

Marionnettes

Suspendues dans l’espace blanc et lumineux de la Galerie Valérie Bach, s’alignent cinq chauve-souris que l’artiste a façonnées à partir de peaux de bananes et de fausse fourrure. Portraits transposés de son père au moment de sa disparition, elles sont ramassées sur elles-mêmes, les ailes repliées, comme si elle dormaient. Montées sur des fines tiges de balsa, elles apparaissent comme des marionnettes qui n’attendent que le geste du manipulateur pour revenir définitivement à la vie.

Du cactus au boeuf

Au centre de l’espace, un bœuf noueux assemblé à partir de restes de l’Opuntia, un de ces cactus aux excroissances en forme de raquette qui pousse sur l’île de Malte. J’y étais en résidence quand j’ai découvert que les parties qui tombaient et se desséchaient en terre se transformaient en un autre matériau qui n’a plus rien à voir avec la plante vivante. J’ai fait le tour de l’île pour creuser sous les plus gros buissons de cactus et déterrer les parties décomposées. A l’état brut, le matériau est déjà splendide, on peut y voir des paysages. Je ne savais pas précisément ce que j’allais en faire mais quand dans mon atelier à Londres, j’ai commencé à déballer ce que j’avais ramené, j’ai vu les cornes d’un animal et le reste est venu tout seul.

 

Décomposition composée

La transformation de la matière est au cœur du travail de Douglas White. Le processus de décomposition et de destruction métamorphose la matière qui change alors de nature, acquiert d’autres propriétés de texture et de résistance. Ce qui est vrai pour les matières organiques où la décomposition fait partie d’un cycle, se vérifie aussi pour les matières fabriquées par l’homme où la dégradation plus lente et partielle est souvent la conséquence d’un accident ou d’un abandon. Des lambeaux de pneus de camion déchiquetés trouvés sur les bord des routes au Belize se transforment sous les doigts de l’artiste en palmiers plus vrais que nature. Il y a quelque chose de magique dans certains matériaux qui est difficile à définir. Quand je les vois,ils m’attirent. J’ai envie de les ramasser, de les garder pour en faire quelque chose plus tard. C’est une pulsion de désir et on ne sait pas vraiment d’où viennent nos désirs. Et quand je me mets à travailler, c’est presque toujours la matière qui dicte la forme.

Traces de vies

Par ses sculptures, l’artiste interrompt et fige le processus de décomposition. De la même manière, par ses photos qui révèlent le passage des chouettes, il rend visible le moment fugace quand l’oiseau vient s’écraser contre la fenêtre d’une habitation endormie. La graisse et la poussière qui couvrent leurs plumes laisse une trace sur la vitre. La plupart du temps invisibles, ces traces acquièrent par la photo et l’éclairage une présence fantomatique d’une grande beauté. Créatures nocturnes, les chouettes sont insaisissables. On sait qu’elles sont là, mais on ne les voit jamais. Il en va de même pour les chauve-souris.

Invisible nature

La beauté est partout, même dans la décomposition. Le regard de Douglas White poétise la destruction et révèle la nature cachée des choses en jouant avec la mémoire des formes et des êtres présente en chacun d’entre- nous. Il rend visible l’invisible et transforme le monde.

 

 

Douglas White,

Portraits of my Father as a Horseshoe Bat,

jusqu’au  20.07,2017

Galerie Valerie Bach 1

5, rue Veydt,1060 Bruxelles

www.galerievaleriebach.com