Les merveilles de
Tim Walker

Gilles Bechet -

 

En 2019, le photographe britannique exposait au Victoria & Albert Museum une série d’images fantasques et féériques inspirées par de magnétiques pièces extraites des réserves du musée. La somptueuse exposition est aujourd’hui présentée dans l’ancien site minier, C-Mine à Genk.
Cloud 9, Tim Walker, Radhika Nair, Chawntell Kulkarni, Kiran Kandola Fashion: Richard Quinn Pershore, Worcestershire, 2018 (c) Tim Walker Studio
Dans une photo de Tim Walker tout est possible. C’est un rêve en deux dimensions sans aucune retouche numérique. Tout est réalisé à la prise de vues et grâce aux accessoires réalisés par sa fidèle collaboratrice Shona Heath. C’est dans des champs de Dauphinelles du Worcestershire, pendant un été de canicule, qu’il a mis en scène son amour des contrastes chaotiques de la culture indienne. Une brassée de créatures hybrides aux robes exubérantes, juste débarquée d’un songe psychédélique semble se reposer appuyée sur l’azur translucide.
Wonderful things, C-Mine, vue d’exposition photo Gilles Bechet
Quatrième assistant dans le studio de Richard Avedon à New York, le tout jeune Tim Walker devait se contenter de changer les ampoules et de faire l’intendance, mais il regardait et écoutait. Il a appris que le pouvoir de l’imagination dépasse toujours celui de la technique. Pour la suite de sa carrière, il a veillé à laisser les portes et les fenêtres ouvertes à l’imprévu. Dans ses portraits, il n’impose jamais sa volonté à ses modèles, préférant photographier des gens qui l’inspirent. En voyage, il saisit un éléphant bleu aux portes d’un palais indien, un touareg en skis dans le désert ou des geishas prêtes à s’envoler sur leur autocoptère.
Tim Walker, Handle with Care, Sgàire Wood, James Crewe, Karen Elson Fashion: The Row, Saint Laurent by Anthony Vaccarello, Daniela Geraci, Sarah Bruylant and Molly Goddard, London, 2018 (c) Tim Walker Studio
Passant une année à ouvrir des caisses et à s’entretenir avec les archivistes du musée, il a retrouvé le pouvoir de s’émerveiller qui s’était un peu émoussé dans les photos de mode. Au hasard d’une réserve, il tombe sur une robe créée par Alexander McQueen en 2009, conservée comme un trésor dans un sarcophage en bois. Quand j’ai vu la robe de McQueen avec sa protection, c’est devenu un fantomatique objet de beauté en soi. Cette photo est une lettre d’amour pour les conservateurs, les curateurs et les archivistes du V&A. Leur travail est vital. Sans eux, la conservation de la beauté ne peut continuer.
Lil’ Dragon, Wonderful things, C-Mine, vue d’exposition photo Gilles Bechet
L’époque est indéfinie. La créature qui nous regarde avec ses bijoux de lumière, émerge-t-elle d’une planète lointaine ou d’une Chine fantasmée ? Les photos sont inspirées par un dragon en laque qui ornait une tabatière chinoisante du 18e siècle. Tim Walker imagine une princesse qui promène son dragon pour cueillir une fleur qui n’éclot qu’à la pleine lune. Comme à son habitude, il réunit mannequins, stylistes, maquilleurs, décorateur et accessoiristes pour une séance de prise de vue sous lumière UV. Le reste, c’est de la magie.
Illuminations, Wonderful things, C-Mine, vue d’exposition photo Gilles Bechet
C’est un panneau de vitrail du 16 e siècle. Il raconte l’histoire de Tobias et Sara lors de leur nuit de noce. On y trouve une combinaison de couleurs primaires. Des tentures rouge, une couverture bleue et des décors jaunes. Tim Walker a été ému par la luminosité du rouge qui lui rappelait un épisode de son enfance. Quand ils quittaient la maison familiale, sa maman laissait une petite lumière allumée. Elle avait un abat-jour rouge. Quand ils rentraient à la maison, le jeune Tim voyait cette lueur rouge qui diffusait une sensation de quiétude et d’apaisement. Dans la photo qu’il a réalisée, les personnages apparaissent tels des gisants debout, emballés dans des cocons de couleur, comme dans des manteaux à voyager dans le temps.
Expo Tim Walker - Wonderful Things (c) Stad Genk
Cet escalier rose ne mène nulle part ou plutôt où l’on veut. Les cygnes présents en masse sur le mur ne manquent pas d’ouvrir le bec à propos de tout et de rien. C’est comme ça qu’ils sont. Ils ont l’air si élégants, mais il peuvent être tellement persifleurs. C’est comme Harry. Il travaille dans une boucherie de la Grand Rue. Il rêve de s’habiller en rose, une couleur qui s’accorde bien avec la viande, mais ça fait jaser la clientèle et son patron, il n’aime pas ça. Alors Harry se console en proposant ce qu’il sait faire de mieux, des sandwiches. Ceux qu’on trouve dans la supérette un peu plus haut dans la rue sont vraiment dégueulasses. Harry, il prépare de vrais monstres avec une tranche de dinde rôtie, un tranche de roast-beef, du jambon et deux fromages différents. Il a aussi des sandwiches vegan avec une sauce à la betterave et au yaourt pour donner une touche de rose. L’excellence, il n’y a que ça.
Infospratiques
Soldiers of Tomorrow, Wonderful Things, C-Mine, vue d’exposition photo Gilles Bechet
La tapisserie de Bayeux est une borderie sur lin de plus de 6 mètres réalisée en Normandie au 11e siècle. Fasciné par une ancienne reproduction photographique conservée au V&A, Tim Walker s’en est inspiré pour dérouler son imaginaire et mettre en scène les guerriers du futur. Dans cette épopée fantasque, tous les vêtements et accessoires, dans le fil de la tapisserie, sont crochetés, tricotés, brodés dans de la laine de couleur vive. Sur le champ de bataille de la fantaisie, tout est possible et rien ne se perd. Une planche à repasser devient un bouclier, un vieil aspirateur une cornemuse et une bicyclette déglinguée se métamorphose en fier destrier.