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Disparaître, Mathieu Menegaux, Grassset Editions, 18 €.

Des livres &+
Un diabolo menthe
avec Mathieu Menegaux

Anouk Van Gestel -

Chaque vendredi, Anouk Van Gestel repère le meilleur des sorties littéraires, relie les genres,  réveille les classiques oubliés, partage ses trouvailles insolites et ses rencontres d’auteurs, d’ici ou d’ailleurs.

De cet auteur je ne connaissais rien. Excepté qu’il aimait les faits divers, portait des baskets rouges et que son troisième livre, – Disparaître -, faisait beaucoup parler de lui. Rencontre autour d’un diabolo menthe qui a causé bien du souci au barman. Mathieu Menegaux, baskets rouges aux pieds, lève un sourcil interrogatif devant la version improbable d’une limonade dans laquelle flottent trois feuilles de menthe, et réagit imperturbable à quatre phrases tirées de son roman.

 

 

Rends-toi utile tant que tu es là. Ou finis-en tout de suite et tire-toi une balle dans la tête au lieu de te suicider à petit feu à coup de goudron qui pollue tes poumons.

J’étais fumeur quand j’ai écrit ce livre. Je ne fume plus depuis juillet dernier, mais je suis encore fumeur. C’est à dire que j’ai arrêté plusieurs fois, une fois durant 4 ans, une fois durant deux ans, … et donc je connais toutes les excuses, les stratégies, les mensonges. Mon personnage a arrêté de fumer, mais il se bat constamment avec son désir de nicotine. C’est drôle comme on est capable de se raconter des carabistouilles, du style je peux prendre une clope sans rechuter, mais 3 jours plus tard on achète un paquet et c’est reparti.

 

Vous avez raison, notre noyé, c’est peut-être Xavier Dupont de Ligonnès qui a fini sa cavale.

Ah lui, il a vraiment disparu des écrans radars. Disparaître, ce n’est déjà pas facile, mais comment ce type a réussi à échapper à tout le monde. C’est fascinant. Aujourd’hui, on vous reconnaît via vos empreintes, votre carte bleue, la reconnaissance faciale, la localisation géographique de votre téléphone. Xavier Dupont de Ligonnès est poursuivi par toutes les polices de tous les pays et il passe à travers les mailles du filet. Incroyable. Les faits divers, c’est le grand méchant loup d’aujourd’hui, il y a tout là-dedans. Ils disent quelque chose de notre époque. J’avais entendu parler de l’histoire de l’homme qui se faisait appeler Peter Bergmann, il est parti en Irlande pour se noyer et on n’a jamais été capable de retrouver sa véritable identité. Cela m’a inspiré et donné le point de départ de Disparaître. On retrouve un noyé qui ne laisse aucun indice pour qu’on puisse savoir de qui il s’agit.

La tendance est là : dans un univers connecté vingt-quatre heures sur vingt-quatre, partout dans le monde, la frontière entre vie privée et vie professionnelle a volé en éclats. 

Dans ce roman, je parle d’un microcosme, celui de la banque d’affaires, où l’exigence de l’excellence est poussée à un point tel que les gens ont du mal à se retrouver. Chacun des acteurs est consentant, il n’y a pas des victimes et des bourreaux, les gens se lancent dans cet univers de compétition, où l’on veut démontrer toujours plus, ce qui a conduit à la formation de président de la République par exemple. Cela doit avoir des bons aspects quelque part, mais il y a des gens pour qui cela ne va pas et il faut qu’ils en sortent avant de sombrer. Un de mes personnages sombre avant la prise de conscience.

Un moment d’égarement, chacun rentre chez soi et cette jolie parenthèse fera des souvenirs pour les longues soirées d’hiver. En est-il seulement capable ? Dieu que c’était bon. Incroyable. Intense. Fou.

C’est la chanson de Barbara, – Joyeux Noël -, qui raconte comment deux personnages qui se croisent sur un pont la veille de Noël, avant d’aller fêter avec leur famille respective, s’aimeront toute une nuit. « Bien sûr il y eut des scènes. Mais il est bien doux quand même de rentrer chez soi. » Après la parenthèse, c’est fini et ce n’est pas grave du tout. Mais en fait tout acte à ses conséquences et on ne les mesure pas forcément au moment même. Il ne faut pas en tirer des leçons de morale, mais savoir que cela peut mal se finir. Tout homme a en tête ce qui se passe dans Fatal attraction.

Disparaître, Mathieu Menegaux, Grassset Editions, 18 €.

Disponible sur Bazar e-Shop