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MetroBoulotSexo
Babylone
paradis de l’amour

Didier Dillen -

Prières enflammées et explicites, tablettes d’argile érotiques, sensualité omniprésente, homosexualité non-réprouvée, les Mésopotamiens de l’Antiquité affichaient sans doute sur l’amour et la sexualité des conceptions étonnamment libres et modernes. De Sumer à Babylone, plongez-vous au coeur de cette étonnante civilisation du plaisir.

 

Mythe et décadence

De toutes les villes de l’Antiquité, Babylone, la mésopotamienne, est une de celles qui ont le plus frappé l’imagination. Cette cité, qui est sans doute la première mégapole de l’histoire, est un mythe à elle toute seule. On vante sa ziggourat, qui a sans doute donné naissance à la légende de la tour de Babel. On s’extasie sur ses fameux jardins suspendus, dont les traces n’ont jusqu’ici jamais été retrouvées. On voue aussi aux gémonies ses mœurs que l’on dit dissolues, sa décadence. Le Livre de l’Apocalypse la qualifie ainsi de Grande prostituée, mère du mensonge et de tous les vices !

Dolce vita sur l’Euphrate

Des coutumes amoureuses des Mésopotamiens de l’Antiquité, parlons-en justement. Cette civilisation, qui domine une vaste partie du Moyen-Orient du IIe millénaire avant notre ère, au VIe siècle avant JC environ, n’est pas qu’une puissance militaire, politique, commerciale et culturelle. C’est aussi une société où hédonisme, érotisme et recherche du plaisir tiennent une place primordiale. Un pays de poètes de l’amour où l’on compare le sexe de la femme à un vallon sacré et le pénis à un roi dressé ! Un pays où sexualité, divin et sentiment religieux sont intimement liés, et où l’acte amoureux intervient dans l’ordre du monde. Une culture aussi, où le péché de chair et les tabous charnels, concernant par exemple les pratiques sexuelles ou l’homosexualité, ne semblent pas avoir existé.

Prières amoureuses

Dans la Mésopotamie de jadis, les rapports pré-maritaux ne sont par exemple pas du tout vus d’un mauvais œil. L’absence de virginité n’est pas une tache indélébile et a même une valeur positive chez les garçons. Le but premier des unions reste cependant le mariage et surtout la procréation. Des chants de fiançailles préparent par exemple les jeunes gens à la rencontre amoureuse. On peut y lire que l’homme doit remplir d’eau la « citerne de la femme, tout en la labourant » ! À Babylone, les amoureux vont d’ailleurs jusqu’à convier les dieux à leurs ébats torrides. Les prières qu’ils récitent à cette occasion sont autant destinées à donner une issue favorable à leur union qu’à assurer leur épanouissement sexuel ! En voici une qu’il fallait réciter en prenant à témoin Ningirsu, un des dieux du Panthéon mésopotamien : Excite-toi ! Excite-toi ! Bande ! Bande ! Excite-toi comme un cerf ! Bande comme un taureau sauvage ! … Fais-moi l’amour six fois comme un mouflon ! Sept fois comme un cerf ! Douze fois comme un mâle de perdrix !* (un animal réputé, comme les précédents pour sa vigueur sexuelle, NDA). Fais-moi l’amour parce que je suis jeune ! Fais-moi l’amour parce que je suis ardente ! Fais-moi l’amour comme un cerf ! Et moi, protégée par le dieu Ningirsu, moi je t’apaiserai !

Le Kama Soutra des Mésopotamiens

Pour les aider dans cette tâche reproductive essentielle à la croissance de la cité, les couples d’alors peuvent compter sur les innombrables plaques de terre cuite que les artisans mésopotamiens produisent littéralement à la chaîne. Très populaires, ces tablettes avaient, semble-t-il, une utilité religieuse, voire magique. Nombre de ces plaques existaient également dans une version égrillarde. Tout aussi appréciées de la population, elles étaient déposées dans la chambre à coucher des jeunes mariés. On ne sait pas exactement pour quelles raisons. Peut-être était-ce pour bénir leur union ou favoriser leur fertilité. Peut-être aussi pour les émoustiller ou les initier aux différentes facettes des pratiques libidineuses. Un genre d’éducation sexuelle avant la lettre. Et pas qu’un peu ! Ces représentations érotiques devancent en tout cas de plus de 3 500 ans les premières illustrations du Kama Soutra.

Levrette sumérienne

La section du Proche-Orient ancien du Musée israélien d’archéologie possède ainsi deux fort belles tablettes d’argile mésopotamiennes olé-olé, datant du deuxième millénaire avant notre ère. Bien que suffisamment petites pour tenir dans la paume de la main, elles présentent une finesse de détails étonnante. La première plaque montre ainsi un homme debout pénétrant gaillardement une femme par-derrière. De taille un peu plus réduite, la seconde plaquette représente un homme et une femme dans une position similaire. À un détail curieux près : presque accroupie, la femme est par la même occasion occupée à boire le contenu d’une amphore – sans doute de la bière *- avec une paille ! Certains archéologues y voient aussi une allusion toute en finesse au sexe oral ! Ce n’est en tout cas pas la seule plaquette mésopotamienne où l’on peut admirer ce genre de scène coquine. Au British Museum, une plaque de terre cuite montre également un séducteur babylonien pénétrant sa conquête par l’avers, alors que celle-ci se penche pour boire de la bière avec un chalumeau.

Un paradis gay ?

Les mâles de Babylone semblent donc volontiers cueillir leurs compagnes en levrette. Mais cela ne nous dit rien des orifices spécifiques qu’ils se décidaient à emprunter. Plusieurs indices laissent toutefois penser que la sodomie ne devait pas leur être étrangère, bien à rebours, si l’on ose dire ! À commencer par le regard que les Mésopotamiens portent sans doute sur l’homosexualité. Non seulement les amours entre personnes du même sexe ne semblent pas avoir été fondamentalement réprouvés, mais ils étaient probablement appréciés ! L’homosexualité, et la sexualité tout court, fait ainsi partie intégrante de la vie de certains temples. En témoigne l’existence de prostitués mâles officiant au sein même de ceux-ci. Aucun reproche ne semble non plus avoir été fait à l’égard de cette attirance dans la vie profane. Prenez, les prières d’amour, dont nous vous avons parlé ci-dessus, et dont les assyriens semblent si friands. Au nombre de celles qui sont utilisées, on en trouve pour favoriser l’union d’un homme avec une femme, d’une femme avec un homme mais aussi d’un homme avec un autre ! Malgré cela, des relations homosexuelles avec des domestiques royaux, entre soldats, ou le fait de pénétrer un homme de rang supérieur, pouvaient être assimilées à des viols ou vues comme de mauvais présages, et se voir appliquer des peines judiciaires.

Sodomie porte-bonheur !

Cette croyance aux augures, qui joue un rôle central dans la vie des Mésopotamiens, nous permet justement aujourd’hui d’en savoir un peu plus sur leur conception du perçage de rondelle. Parmi les très nombreux traités de divination retrouvés, une série d’anciennes tablettes cunéiformes traitant de divination, contiennent des présages populaires tout à fait explicites sur les relations homosexuelles ou la sodomie. Certains sont tantôt favorables, tantôt moins. En voici quelques-uns :

  • Si un homme a des rapports sexuels avec un prostitué mâle, les ennuis le quitteront.
  • Si un homme s’engage dans un coït par l’anus avec son égal (masculin), cet homme sera le premier parmi ses frères et collègues.
  • Si un homme copule avec un courtisan masculin ou un préposé royal, l’inquiétude le possédera pendant une année entière mais le quittera ensuite.
  • Si un homme copule avec un esclave né à la maison, un dur destin l’attendra.

Phallus géants

Enfin, en ces temps où les contraceptifs efficaces étaient inconnus et le retrait apparemment non pratiqué, le sexe anal pourrait avoir été, selon certains auteurs, une méthode anticonceptionnelle assez populaire. Il aurait même été pratiqué par les prêtresses sacrées des temples, qui en aucun cas ne pouvaient concevoir. Cela expliquerait peut-être la relative abondance de plaquettes de terre cuite représentant des coïts en mode vice et verso. De là à faire des sujets du grand roi Hammourabi, des maniaques de la levrette, il y a évidemment un pas que l’on ne peut pas franchir. D’autres tablettes nous les montrent d’ailleurs occupés à bien faire côte à côte, nus et couchés sur ou dans un lit, debout ou en train de pratiquer un missionnaire. On en connaît même certaines représentant des femmes les jambes écartées, accroupies sur un phallus monumental. Sacrées natures, ces Mésopotamiens !

* Les Mésopotamien consommaient habituellement la bière de cette manière, afin d’en filtrer les impuretés. Les amateurs de maté font encore quasiment pareil aujourd’hui !

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Retrouvez toutes les semaines la rubrique MetroBoulotSexo, un regard espiègle et toujours bien documenté sur ce qui se passe généralement sous la ceinture, par Didier Dillen du blog Love,Sexe etc

 

Illustration TaraM