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gardien de nuit

Didier Dillen -

Tout homme en bonne santé bande la nuit. Plusieurs fois par nuit d’ailleurs et même les jours fériés. Oui, mais pourquoi et comment ? Et faut-il s’inquiéter quand les érections nocturnes sont aux abonnées absentes ? On plonge sous les draps à la découverte de cet étrange phénomène physique.

 

Gardien de nuit

Les hommes décidément, quelle santé ! Toujours prêts. Enfin, en général. C’est leur côté scout. Une pensée coquine, une jolie fille (ou un beau mec ) qui passe et leur membre se dresse immédiatement pour relever le défi. Même durant leur sommeil, quand tout le reste se repose, comme Saint-Éloi, ils bandent encore. Ce curieux phénomène est connu depuis la nuit de temps. Probablement d’ailleurs plus des femmes que des hommes eux mêmes. Et on imagine les trésors d’imagination qu’a dû développer Mister Cro-Magnon pour se disculper d’éventuels soupçons d’infidélité (À qui tu penses ?). À défaut d’explications scientifiques, on en a donc souvent imaginé d’autres. À certaines époques, on voit dans cette manifestation de la virilité une preuve de l’existence des succubes, ces démons femelles en rut et invisibles censés venir violer les pauvres mâles sans défense durant la nuit. Plus tard, au XIXe siècle, les érections nocturnes sont mises dans le même sac que la masturbation, considérée alors comme un véritable fléau. Certains champions de la vertu vont jusqu’à inventer des appareils destinés à bloquer ces raideurs coupables chez les jeunes garçons. Une forme de camisole de force pour zigounette en quelque sorte.

Je dors donc je bande

Pourtant, rien de plus naturel que les rigidités nocturnes. Le phénomène est d’ailleurs aujourd’hui assez bien compris. On recense même des centaines d’études sur le sujet. Placées sous la dépendance de certaines hormones, et notamment de la testostérone, ces érections d’après coucher s’apparentent à une sorte de contrôle technique quotidien du corps effectué à intervalles réguliers durant le sommeil. Cela n’a en tout cas rien à voir avec d’éventuels rêves érotiques ou des envies d’uriner, comme le veut la croyance populaire. Elles se manifestent pour être précis durant les phases de sommeil paradoxal, périodes durant lesquelles nous faisons des rêves (érotiques ou non), et qui durent quelque quatre-vingt-dix minutes. Au cours d’une bonne nuit de sommeil, un homme en parfaite santé peut donc bander de trois à six fois par nuit, pour une durée qui peut aller de dix à quarante minutes ! À noter que le phénomène a tendance à s’estomper avec l’âge. Cela correspond tout de même, en soixante ans d’existence, à environ quatre années de turgescence. Ce qui en clair signifie que dans la vie, un homme bande bien plus longtemps endormi qu’éveillé ! Pour certains, cette expérience à priori agréable s’apparente à un calvaire. Certains hommes, heureusement rares, souffrent en effet d’érections nocturnes tellement douloureuses et persistantes qu’elles finissent par les réveiller. Les causes de cette affection restent encore mal connues.

Mesures de rigidité

Si la recherche s’intéresse tant aux érections nocturnes, c’est parce qu’elles permettent de distinguer les impuissances principalement d’origine organique de celles d’origine psychologique ou mixte. En gros, si ça fonctionne la nuit, c’est qu’il n’y a pas de problèmes de plomberie. Pour en être sûr, il faut évidemment procéder à des vérifications à l’endroit et aux moments ad hoc.  Auparavant, on mesurait les éventuelles dysfonctions érectiles en plaçant une bande de timbres autour du pénis au repos et on regardait l’état de la bandelette au réveil. La méthode, on s’en doute un peu, n’était guère fiable. Elle ne permettait ni d’évaluer la durée de l’érection, ni la rigidité ou l’augmentation de la circonférence pénienne. Les timbres en question, avaient de plus la fâcheuse habitude de se briser pour un oui ou pour un non. On préfère de nos jours se servir de petits (tout-petits) brassards réglables, dits aussi snap gauges. Munis de trois bandes plastiques témoin, de tailles et solidités différentes, ils permettent une mesure un peu plus précise de la dilatation de Popaul, mais ne se montrent guère plus fiables que les timbres pour le reste. Évolution technologique aidant, la mesure de la tumescence pénienne nocturne, c’est comme cela que l’on dit, se pratique également aujourd’hui par pléthysmographie, à l’aide de différents capteurs. Cette technique permet non seulement d’enregistrer les variations de circonférence du pénis, mais aussi sa rigidité. Des chercheurs ont effectivement remarqué qu’à certaines occasions, une augmentation de la circonférence pénienne n’est pas nécessairement suivie d’un accroissement de la rigidité. Les érections finalement, c’est compliqué. Il ne reste plus ensuite qu’à poser le diagnostic. Mais là, c’est une autre histoire.

Surveillance matrimoniale

Bandelettes de timbres, snap gauge et pléthysmographie, ne sont pas les seules méthodes utilisables pour s’assurer de la virilité nocturne de ces messieurs. Il en existe une autre, c’est la surveillance par conjoint(e) interposé ! Laquelle surveillance se pratique en principe deux ou trois nuits de suite. Cette alternative n’est, en théorie, pas dénuée de certains avantages. Elle ne coûte pas cher, elle a lieu au domicile du patient sans interférence médicale. Elle permet, en outre, aux deux conjoints d’apprécier de façon très concrète la réalité et la qualité de la tumescence, le conjoint éveillé ayant la possibilité de réveiller le dormeur en pleine action. Dans la pratique, cette méthode est pourtant peu utilisée, à supposer même qu’elle le soit. Tout le monde n’est pas disposé ou capable de veiller plusieurs jours de suite dans l’attente de ce genre d’heureux événement. Certains hommes semblent aussi avoir un peu de mal à s’endormir sous le regard scrutateur de leur moitié. On notera que la réponse érectile peut aussi être enregistrée en pleine journée. On a alors recours à des tests faisant intervenir ce que l’on nomme pudiquement des stimulations érotiques visuelles. Probablement le genre de sollicitations que l’on lit, ou regarde, d’une main !

Les femmes aussi

Existe-il un équivalent des érections nocturnes chez la femme ? Pas pour les mamelons, pourtant eux aussi érectiles. Durant la nuit, ils se reposent, sauf si l’on a laissé la fenêtre ouverte et qu’il fait moins quinze dehors. Il n’en va pas de même pour le clitoris. À l’image du pénis, avec lequel il partage d’ailleurs beaucoup de points communs, le bouton d’amour connaît, lui aussi, des périodes de turgescence durant le sommeil, exactement aux mêmes moments que son pote le zizi. Cela se voit évidemment beaucoup moins sous les draps ! Il a d’ailleurs fallu un certain temps aux chercheurs pour s’apercevoir de la réalité de ce phénomène et le mesurer. L’étude de la tumescence nocturne masculine s’effectuait traditionnellement avec une bandelette de timbres-poste attachée au membre viril, ou par l’intermédiaire d’un « examen visuel ». Il était évidemment plus compliqué de faire de même chez les femmes, vu la taille moyenne du bouton d’amour. En 1970, une première équipe de chercheurs tente de contourner l’obstacle en mettant au point une « jauge de contrainte » adaptée et en faisant appel à l’aide de deux femmes atteintes d’hypertrophie du clitoris. Ils parviennent à mettre en évidence une augmentation notable de la circonférence clitoridienne, mais leur étude, trop limitée, ne convainc pas. Depuis, d’autres recherches, utilisant cette fois une mesure du débit sanguin, sont venues confirmer que les femmes manifestent bel et bien des épisodes cycliques d’engorgement vasculaire avec la même fréquence et aux mêmes moments que les hommes, c’est-à-dire durant les phases de sommeil paradoxal. Un autre « privilège » masculin s’écroule. Ce durcissement clitoridien nocturne s’accompagne par ailleurs aussi de contractions vaginales et utérines plus marquées et, d’une manière plus étonnante encore, d’une congestion de la muqueuse nasale, qui se gorge elle aussi de sang à intervalles réguliers durant la nuit ! Ce phénomène, présent chez les deux sexes, n’est pas sans augmenter le risque d’apnées du sommeil et explique peut-être le caractère érotique que l’on prête parfois à notre appendice nasal.

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Retrouvez toutes les semaines la rubrique MetroBoulotSexo, un regard espiègle et toujours bien documenté sur ce qui se passe généralement sous la ceinture, par Didier Dillen du blog Love,Sexe etc

 

Illustration TaraM