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Saisons des amours

Didier Dillen -

 C’est l’printemps, tout le monde baise à perdre haleine, entonne Pierre Perret, toujours en verve dans cette chanson qui voit s’activer tout le monde, de la hyène à la tortue en passant par Cendrillon ! Dans l’imaginaire collectif, le printemps rime effectivement avec saison des amours. La sève ne monte pas que chez les arbres ! C’est vrai pour nos amies les bêtes, du moins certaines d’entre elles, mais est-ce vrai pour les hommes et les femmes ?

La fête du sexe

Culturellement, c’est indéniable. La preuve ? Le réveil de la nature est célébré un peu partout depuis des millénaires comme le grand retour de la fertilité, après le long engourdissement de l’hiver. Et qui dit célébration de la fertilité dit aussi rites à caractère sexuel et parfois même amours ou galipettes ! Dans la Rome antique, la fin de l’hiver et le début du printemps voient par exemple se dérouler plusieurs festivités qui ont toutes un rapport avec ce qui se passe généralement sous la ceinture. Durant les Lupercales, qui ont lieu du 13 au 15 février, des jeunes gens quasi nus, armés de lanières taillées dans la peau d’un bouc sacrifié, courent par exemple les rues de la capitale pour fouetter les passants qu’ils rencontrent, afin, selon la croyance, de rendre les femmes fécondes et les hommes fertiles ! Lors des fêtes de Fordicidia, qui ont lieu pour leur part le 15 avril, ce sont des vaches pleines que l’on met à mort. Ce sacrifice est supposé pourvoir à la fécondité de la terre, des animaux et probablement aussi des hommes. Les Jeux floraux, ou Floralia, se célébraient quant à eux entre la fin du mois d’avril et le début du mois de mai. Ils étaient dédiés à Flore, déesse des fleurs, des jardins et du printemps. Organisés au départ sous la forme de simples et chastes cérémonies destinées à saluer le retour des beaux jours, ils finirent par se muer en de véritables spectacles libidineux, mettant publiquement en scène des femmes complètement nues, des danses obscènes et même des prostituées ! Les paysans chinois n’étaient pas en reste, cela dit. Ils organisaient, à l’occasion du printemps, ce que l’on pourrait qualifier de véritables fêtes sexuelles ! Filles et garçons des hameaux avoisinants se rassemblaient à cette occasion et s’amusaient à se courir les uns derrière les autres, à se lancer des défis, à ramasser des fleurs… mais aussi des pucelages ! Le tout sous l’œil bienveillant de leurs parents, qui avait fait la même chose à leur âge. Il existait même jadis un fonctionnaire spécifiquement chargé de réunir les jeunes à marier lors de ces grandes réunions festives. Une sorte d’entremetteur au masculin !

L’été des MST

Curieusement, si le printemps est supposé éveiller les sens, c’est plutôt en été qu’ils semblent s’enflammer aujourd’hui. Des preuves ? Tenez, c’est notamment à la belle saison, entre avril et septembre, que l’on achète le plus de préservatifs (*). En France, 40% des ventes de latex sont par exemple réalisées à cette période ! De tels pics de vente sont aussi constatés au Royaume-Uni. Dans le même registre, on constate aussi une augmentation du nombre des cas de MST durant les beaux jours (**). Difficile d’y voir un effet de l’abstinence. Mais quelles sont donc les explications de ce curieux phénomène ? Certaines sont sans doute purement terre à terre. L’été, les chairs se dénudent, les décolletés se font plongeants, les tablettes de chocolat ou le Dad Bod plus visibles, multipliant par dix, au moins, les sollicitations érotiques. En vacances, nous sommes souvent aussi plus détendus (pas de partout apparemment) et plus disponibles pour les tête-à-tête érotiques ou les aventures sans lendemain. Mais certains scientifiques avancent d’autres hypothèses intéressantes au sujet de cette manifestation érotico-estivale. Il en est qui invoquent par exemple l’action des fameuses phéromones sexuelles. Ces substances chimiques sécrétées par l’organisme sont si puissantes qu’il suffit parfois de quelques molécules pour déclencher une irrésistible envie de s’accoupler ! Du moins chez les animaux et chez les insectes. Par contre, leur influence chez l’être humain est encore âprement discutée. Sécrétées avec la sueur, ces fameuses odeurs du désir seraient évidemment plus perceptibles en été qu’en hiver.

Le rut ? Une histoire de lux

Ce regain d’énergie sexuelle pourrait aussi tout simplement être dû au soleil ou plutôt à la lumière. La luminosité intense de l’été stimulerait ainsi la sécrétion de certaines hormones sexuelles, telle la testostérone ou la sérotonine, lesquelles boosteraient à leur tour la libido et l’envie de rapprochements intimes sur sable blanc. Cela fonctionne en tout cas très bien chez les moutons et les lapins, bien que pas obligatoirement sur une plage. On parvient même, en jouant sur cette même luminosité, à avancer ou reculer leur période de rut ! En va-t-il de même chez l’être humain ? Phoebus et Éros se donnent-ils la main pour nous titiller sous la ceinture d’inchasteté ? Ce n’est pas impossible. Les scientifiques ont en tout cas déjà constaté que l’intérêt de sapiens pour la chose varie selon la saison, accréditant l’idée que la luminosité ambiante contribue sans doute au désir sexuel de nos contemporains dans leur ensemble, et pas seulement à celui des voyeurs. Il semble d’ailleurs que la production naturelle de testostérone connaisse une chute dans les populations de l’hémisphère nord entre les mois de novembre et d’avril, et ne remonte qu’au printemps et en été, avant de connaître un pic en octobre.

Lumière sur la libido

En clair, il n’y a pas que les ours qui hibernent et se réveillent au printemps, Popaul aussi ! Un essai clinique mené par une équipe de l’Université de Sienne est encore venu tout récemment à l’appui de cette hypothèse. Les scientifiques transalpins ont eu l’idée, oserait-on dire lumineuse, de soumettre deux groupes totalisant trente-huit hommes en tout, l’un à un placebo, l’autre à un dispositif luminescent similaire à celui que l’on emploie pour traiter la dépression saisonnière aussi appelée trouble affective saisonnière (TAS). Tous ces messieurs s’étaient vus auparavant diagnostiquer un trouble du désir sexuel hypo-actif. Une autre façon de conclure à une libido et une vie sexuelle en berne. Et le moins que l’on puisse dire est que ce surcroît de lumière semble avoir eu un effet positif. De fait, avant traitement, les deux groupes affichaient un score moyen de satisfaction sexuelle de 2 sur 10. Le groupe exposé à une lumière intense a vu ce score passer à 6,3, là où le groupe de contrôle s’est contenté d’un modeste 2,7 sur 10 ! Le traitement lumineux semble avoir eu aussi un effet sur le niveau de testostérone des messieurs qui ont pu en bénéficier. Après deux semaines, celui-ci était monté de 2.1 ng/ml a 3.6 ng/ml, alors qu’aucun changement significatif n’a pu être enregistré dans le groupe témoin ! Mieux vaut cependant éviter tout enthousiasme climato-érotique trop prononcé. Pour la plupart des scientifiques, l’homme n’est pas un animal comme les autres. Ces influences saisonnières, même réelles, sont bien peu de chose face aux mégas aphrodisiaques que sont les dîners aux chandelles, les sentiments, les concours de pole dance et les spectacles de Chippendales. Pour l’être humain la règle en matière de galipettes reste plutôt, où on veut, quand on veut !

La preuve par neuf… mois ?

On accouchait jadis plus souvent en février ou mars qu’à d’autres moments de l’année. On s’envoyait donc statistiquement plus souvent en l’air sans filet au mois de juin ou de juillet de l’année qui précède. Soit en été et en tout cas aux beaux jours ! Il y aurait donc bel et bien une saison des amours chez l’homme. Pas sûr, car ce profil saisonnier perd aujourd’hui de son amplitude et les naissances se répartissent à peu près de façon équivalente tout au long de l’année, avec toutefois une préférence pour les mois d »été et curieusement aussi un pic vers le 23 septembre, visible dans à peu près tous les pays d’Europe. Rien à voir avec l’arrivée de la choucroute nouvelle, mais plutôt avec le réveillon du 31 décembre, les fêtes de fin d’année et leurs réjouissances, qui ont justement lieu neuf mois avant ! Nouvel-an et vigilance contraceptive ne font donc apparemment pas bon ménage.

(*) Ces mêmes ventes de condoms connaissent apparemment aussi un important pic saisonnier à la période de Noël. Mais des facteurs autres que météorologiques sont probablement en cause.

(**) Quant aux requêtes Google comprenant des mots-clés tels pornographie, call-girl, rencontres, etc., elles connaissent, nous dit une étude, deux pics principaux : un au début de l’été, l’autre en plein cœur de l’hiver. Froidure ne rime donc pas toujours avec ceinture.

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Retrouvez toutes les semaines la rubrique MetroBoulotSexo, un regard espiègle et toujours bien documenté sur ce qui se passe généralement sous la ceinture, par Didier Dillen du blog Love,Sexe etc

 

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