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Let's Eat Grandma ©Francesca Allen

CONTES POP
LET’S EAT GRANDMA

Gilles Bechet -

 

 

Mangeons grand-mère  

Avec le nom de leur groupe, Rosa Walton, et Jenny Hollingworth, pas plus de dix sept bougies sur leur dernier birthday cake, donnent le ton, celui d’un humour un peu bizarre. Inséparables depuis la maternelle, les deux ados ont grandi à Norwich où elles se sont amusées à tripatouiller avec un vieil engin à cassettes pour enregistrer leurs versions des hits qui passaient à la radio. Anglaises, elles le sont jusqu’au bout de leurs ongles vernis de vert et de leurs longues chevelures emmêlées. On les imagine à l’abri de ces maisons en briques, toutes pareilles, dont elles s’échappaient la nuit en faisant coulisser la fenêtre pour courir dans les rues désertes nappées de brumes et d’un lointain parfum de porridge.

Des filles de leur époque

Dès la première note, on entre avec elles dans une monde féerique et gothique, baigné dans l’ennui et l’envie de liberté de l’adolescence. On y évoque des maisons dans les arbres, des champignons magiques et des insectes qui préparent des cakes au chocolat. On se souvient des nuits où l’on a trouvé refuge dans le frigo ou encore de Raiponce qui a coupé ses longs cheveux et ne s’amuse pas dans le conte de fée qui est le sien.

Deep SixTextbook, la première chanson s’annonce avec une percussion sourde et lente comme un cortège funèbre, des nappes d’orgue noyées dans l’écho, puis arrivent les voix un peu en retrait comme pour observer ce qui se passe.

Dans Eat Shiitake Mushrooms, les deux donzelles dégustent des champignons magiques. Et même si elles ont dû passer par Poudlard, elles montrent qu’elles sont bien des filles de leur époque avec un rap plein d’une joyeuse morgue.

Chaudron sonore

Le plus étonnant, c’est la maturité musicale de ce premier essai pour les deux jeunes multi-instrumentistes qui ont presque tout joué elles-mêmes.

On navigue entre le côté bricolage de CocoRosie et la féerie vaporeuse de Kate Bush ou des Cocteau Twins. À la fois pop et inventive, la musique rassemble une multitude d’instruments acoustiques et électroniques. Piano, flûte, saxophone, ukulélé et mandoline se mêlent aux synthés et autres timbales célestes. On a souvent du mal à décoder chacune des couches accumulées dans ce chaudron sonore sans pour autant jamais tomber dans le grandiloquent ou la faute de goût.

Fées ou sorcières, on se gardera de trancher mais vous pouvez leur faire confiance, elles iront loin et vous pouvez même leur confier votre grand mère. Elle en ressortira rajeunie.

I, Gemini, Let’s Eat Grandma, transgressive (PIAS) 48:18, 10 titres