Pop art
SEPT ANNÉES
DE BONHEUR

Gilles Bechet -

Pop Art, les deux mots claquent comme une explosion de couleurs et de formes. Des images en résonance directe avec une société qui consomme, voit des films, lit des BD, va dans l’espace, fait l’amour et fait la guerre. Le pop art était américain, anglais, c’était aussi un courant global, et un peu belge, comme le montre la belle exposition au ING Center.

 

Raveel, 1967, Illusiegroep ©Photo: Everarts
1963 – 1970, sept années de découverte et d’imprégnation du pop art où comment les artistes belges se sont réapproprié le courant artistique à leur manière : un peu impertinente, décalée. On y voit l’expression d’une synergie très belge, entre artistes, critiques d’art, galeristes et de grands collectionneurs, qui ont prêté, ici, des pièces assez peu vues. Comme le Lovers on a Bench de Segal acheté en 63 par Hubert Peeters.

 

Heyrman, pop art collage voor Happeningnews 2 ©Photo: Everarts
Le pop art a ceci de particulier, il s’agit du dernier courant global qui a infusé dans la musique, dans la mode, le cinéma et les publicités. C’étaient les années pop. Revoir cela aujourd’hui, c’est comme s’éveiller d’un rêve pas si rose et brillant qu’il n’en a l’air. Car ce qui fait la force des meilleures œuvres pop, c’est le paradoxe permanent entre identification et répulsion, prosélytisme et cynisme.

 

Evelyne Axell, Le Désir, Collection Privée, ©Photo: Speldooren
Evelyne Axell fut sans doute la plus ouvertement pop des artistes belges. Sa carrière météorique prématurément interrompue par un crash automobile, personne ne sait comment sa peinture aurait évolué. Elle intègre parfaitement les paradoxes du pop : pastel à l’extérieur, acide à l’intérieur. Des matières scintillantes et industrielles comme le Formica, le plexiglas, et un trait qui rappelle les nymphes florales de l’Art Nouveau brouillées par une émission de Jean-Christophe Averty. Vitesse, célébrité, sexualité, féminisme, l’indispensable cocktail pop d’Evelyne.

 

 

Panamarenko, Molly Peters, Collection Becht, ©Photo: E.van Deursen
Le pop art est arrivé à une période charnière où l’art belge se fatiguait des codes de l’expressionnisme flamand, du surréalisme et de l’abstraction. Quelques-uns de nos grands artistes à l’aube de leur carrière ont suivi ce vent de fraîcheur. Comme Panamarenko. Avant de s’envoler pour d’improbables transports aériens, l’Anversois a créé quelques œuvres résolument pop. Feltra et Molly Peters, des grandes pin-ups rebondies dans un tissu feutré ou cet évier à vaisselle en métal et perspex.

 

 

De Keyser, Kraantje ©Photo: Dirk Pauwels
Marcel Broodthaers, artiste pop ? Le rapprochement semble incongru. En 1963, Broodthaers découvre la première exposition de George Segal chez Sonnabend à Paris. Réaction plus qu’enthousiaste. Dans son travail, la filiation est subtile. Une huitre mangée par du plâtre. Le quotidien d’un artiste désargenté, ce sont des coquilles d’œufs, des moules, des assiettes, des couverts, des pots à confiture et des accumulations qu’on voit chez Arman à la même période.
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Degobert, Escargot, 1965, ©Photo: Daniel de Kievith
Quand on compare les boîtes de Campbell Soup de Warhol aux conserves de Guy Degobert, on perçoit tout de suite la touche belge. Chez l’américain, tout est dans la reproduction, l’appropriation de la réalité pour quinze minutes ou plus. C’est au spectateur à fournir le sous-texte. Chez le belge, il y a une ampoule bleue sur la boîte, une rencontre potentiellement lumineuse mais improbable. On n’est plus dans le réel des magazines, mais dans l’univers de l’artiste.