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À tables!
Senzanome

Simon Brunfaut -

Le resto

Le nom du restaurant est indiqué discrètement à la manière d’un paradoxe : celui d’un nom qui n’existe pas, qu’on ne connait pas, qu’on ne peut pas prononcer, qu’on garde en soi. Une fois franchi le seuil, une cloison en bois souligne le passage entre deux mondes, une forme d’antichambre. Un secret sera ici soufflé à l’oreille, transmis à l’aide des sens, dans un huis-clos entre le chef et vous. Le regard se balade dans l’espace, il ne se heurte à rien qui serait susceptible d’arrêter sa course et de l’alourdir : ce ne sont là que des courbes, des lignes et des couleurs sobres. Quelques éléments viennent remémorer l’Italie par l’entremise de références connues ; quelques mots aussi, car l’Italie est d’abord un pressentiment, une rumeur de vie plus douce, une promesse entendue à l’intérieur d’une voyelle qui vole. Ce langage pétri dans le goût commence d’abord par se savourer lui-même.

Dans la vie, tout débute et s’achève par des bulles : les foetus et les noctambules savent très bien ça. Ainsi, le Prosecco vient à point nommé réveiller les papilles. Un carnaval prend place à l’endroit où le plaisir, toujours masqué, se met à pétiller.

La mise en bouche se construit autour du poisson blanc. Les couleurs sont vertes, presque sauvages. Un peu de citron rappelle ces gouttes de soleils déposées sur un paysage fluide. L’enchainement reste empreint de mer, même si l’approche d’une côte se fait néanmoins sentir. Il s’agit d’un tartare de scampis qui repose sur des pommes de terre froides. La fleur de sel et l’huile d’olive se disputent une place dont le contour est dessiné délicatement par un Viognier. On enchaine par les pâtes, cette colonne vertébrale de toute l’Italie, comme une ancre jetée par dessus bord, une façon de rejoindre la Terre. L’exécution est parfaite, car elle possède ce caractère essentiel : la simplicité. Quelques calamars, du persil, une sauce tomate onctueuse et par dessus tout, un Chardonnay sicilien. Ensuite, le temps d’un merlan, on retourne tremper ses pieds dans l’eau. Quelques cèpes sautés fondent en haut de l’assiette ; à coté, un crumble de noisettes craque dans un sous-bois et côtoie une trouvaille étonnante : un granité d’oignons rouges. Le plat incarne ces mariages à l’Italienne entre des chaleurs étourdissantes et des ombres fraîches qui ponctuent des journées andante. Cette fois, le vin est rouge : un Chianti de Toscane. Un émincé de boeuf suit, accompagné d’un accord savant entre le balsamique et le soja, évocation d’un ailleurs oriental. Les oignons à la plancha possèdent quelques reflets sombres et une feuille de laitue a été blanchie. Le vin, sicilien, est un Nero d’Avola. Le pré-dessert se compose d’une crème aux poires et d’un crumble chocolat et annonce, comme il se doit, le dessert : une meringue à l’Italienne, une crème anglaise et un sorbet raisin. Une note de balsamique et une note de basilic se rencontrent, emportées par un Moscato d’Asti du Piemont. Vous voilà en montagne, en effet. Levez-vous et enjambez le monde en chantonnant un air d’opéra-bouffe, Rossini de préférence, du moins si vous croyez aux nourritures musicales.

L’adresse

Senzanome, 1, place du Petit Sablon, 1000 Bruxelles T. +32 (0) 2.223.16.17 senzanome.be

ouvert du lundi (12h-13h30 et 19h-21h) au samedi soir (19h-21h). Fermé le samedi midi, dimanche et jours fériés.

Le chef

Giovanni Bruno est le chef du Senzanome depuis 1991. Le Senzanome est une histoire de famille, puisque le tandem au commande est composé de Giovanni et de sa soeur Nadia. Le succès du restaurant,1 étoile au Michelin, installé à présent au coeur de Bruxelles, dans une déco entièrement repensée et épurée, tient à l’alliance entre une cuisine italienne traditionnelle et une cuisine innovante et intuitive.

Sa recommandation

Mon plat préféré ailleurs est le paté en croûte de David Martin de la brasserie Bozar 

Bozar Brasserie, Palais des Beaux-Arts, 3, rue Baron Horta, 1000 Bruxelles

Ouvert du mardi au samedi, midi et soir. T. +32 (0) 2.503.00.00, bozarbrasserie.be