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Andersen, ombres d’un conteur, Nathalie Ferlut, Casterman, 128 pages
Andersen, ombres d’un conteur, Nathalie Ferlut, Casterman, 128 pages
Andersen, ombres d’un conteur, Nathalie Ferlut, Casterman, 128 pages couleur, 20 €

BD
UNE VIE DE CONTES

Gilles Bechet -

Fils d’une blanchisseuse et d’un pauvre cordonnier, poète à ses heures, Hans Christian Andersen a été conçu sur un vieux catafalque transformé en lit de noces. S’extirpant de la noire misère comme d’un marais, il a connu la reconnaissance nationale et internationale. La vie de l’auteur du Vilain Petit Canard, de La petite sirène ou de la Petite Fille aux allumettes avait tout d’un conte de fée pur sucre. Dans la belle biographie enchantée qu’elle a écrite et dessinée, Nathalie Ferlut laisse aussi parler les ombres que l’écrivain a préféré cacher, alors qu’elles tapissent toute son œuvre.

Artiste

Andersen ne s’est jamais imaginé autrement que artiste. Enfant, il s’est fait remarquer par sa voix d’ange qu’il monnayait en chantant chez les rupins avant de monter à Copenhague pour y suivre les cours d’un maître de chant. Malheureusement, une voix, ça mue. Pour repousser la catastrophe, il s’essaie à la danse. Sans beaucoup de succès. Puis, il se mit à écrire et écrire des pièces, retranché dans la niche de chien que lui avait attribué sa logeuse.

Un enfant dans un corps d’adulte

Rien n’aurait sans doute été possible sans son mécène et protecteur, Monsieur Collin, qui l’envoie même dans une école de province pour combler les lacunes de son éducation. Une expérience qui n’épanche pas sa soif d’art et de poésie. Éternel solitaire, il découvre le voyage, passe de longs mois en Italie et découvre l’Europe. Avec Edvard, le fils de son protecteur qui devient son premier lecteur, son gestionnaire et son avocat, l’amitié est orageuse mais tiendra jusqu’à la mort. Jusqu’à son dernier souffle, Andersen est resté un enfant dans un corps d’adulte, puis de vieillard. Mal à l’aise avec les femmes, il a fini sa vie seul dans un meublé, hanté par ses origines modestes et par l’image de ce grand père fantasque et fou. Personnage aussi agaçant qu’attachant, perpétuellement en quête d’amour, il se confond avec les créations de ses propres contes.

 

Le trait de Nathalie Ferlut

En 2013, Nathalie Ferlut publiait Eve sur la balançoire, une BD qui raconte six années de la vie de Evelyn Nesbit, première pin-up du vingtième siècle, qui a connu une ascension fulgurante suivie d’une chute tragique dans le bain à bulles de la haute société de Manhattan. Elle récidive aujourd’hui avec un biopic qui suit, du berceau à la tombe, le parcours du conteur danois.

Inventif, son traitement graphique et narratif se libère dans ses planches délicatement colorées à l’aquarelle découpées en courts chapitres en forme de comptines. Elle ponctue son récit de séquences en ombres chinoises ou de personnages en silhouettes qui enluminent la page et rappellent les dentelles de papier qu’Andersen découpait en virtuose tout en racontant ses contes dans les salons. Elle multiplie les contrepoints en donnant la parole aux objets inanimés, fleurs et animaux, et en libérant les ombres collées aux semelles du conteur. Au fil des planches, on pénètre dans la vie du génial Danois comme dans une contrée fantasque et ordinaire et on comprend mieux où il a puisé la sève de ses contes faussement enfantins et si profondément humains.

Andersen, ombres d’un conteur, Nathalie Ferlut, Casterman, 128 pages couleur, 20 €