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Trashed, Derf Backderf, çà et là, 240 pages bichromie
Trashed, Derf Backderf, çà et là, 240 pages bichromie
Trashed, Derf Backderf, çà et là, 240 pages bichromie

BD
Le plus vieux
métier du monde

Gilles Bechet -

Les déchets, l’homme vit avec depuis qu’il s’est sédentarisé. On aimerait les ignorer, les rendre invisibles, mais ils nous rattrapent toujours. Aujourd’hui, il faut que les éboueurs s’arrêtent de travailler pour qu’on réalise leur importance. Pendant une grosse année, le dessinateur et cartoonist américain Derf Backderf a été éboueur. C’était les années 80 dans un petit bled de l’Ohio. Il venait de quitter l’école d’art et il n’avait pas vraiment de perspectives. Une expérience marquante qui est à la base de sa décapante BD Trashed.

Des personnages excentriques

Tout commence avec l’arrivée de J. B., alter ego de l’auteur, et de son pote Mike dans le service. On apprend d’abord les trucs du débutant : faire gaffe aux éclaboussures, aux sacs qui se déchirent et aux petites manies de certains des riverains trop sympas pour être honnêtes. On fait aussi connaissance avec la fine équipe et avec le contremaître, aussi irascible que moustachu, sans oublier Betty, le fidèle camion compacteur. Derf Backderf à qui l’ont doit déjà Punk rock & mobile homes et Mon ami Dahmer adore croquer les personnages un peu excentriques de la classe moyenne américaine plombée par une interminable crise. Avec Trashed, il s’en donne à cœur joie.

Parias invisibles

Récit picaresque gorgé d’anecdotes pas toujours très ragoutantes, les déboires souvent hilarants des deux compères offrent une radiographie saisissante d’une petite ville dans un pays riche et développé, en fonction du vieil adage « Dis moi comment tu déchètes, je te dirai qui tu es. » Les États-Unis, et l’Occident en général, ne connaissent pas de système de caste, mais les éboueurs sont ce qui se rapproche le plus d’une classe de paria invisibles. Sauf pour l’odorat. Car quoi qu’ils fassent, ils arrivent difficilement à se débarrasser du fumet qui les marque comme J. B. en fait l’amère expérience en croisant une ancienne copine de fac.

Un éternel recommencement

Comparant l’économie libérale à un système digestif, J. B. situe les éboueurs tout en fin de cycle. Le boulot qu’accomplissent ces hommes a presque une dimension mythologique. Ils sont face à un combat quotidien, un travail de Sisyphe qui ne s’arrête jamais. Chaque jour est un éternel recommencement avec ces sacs qui dégoulinent et les opossums crevés qui collent à la route. Et la décharge où tous les camions du comté viennent vomir leurs entrailles est sans doute la transposition la plus plausible de l’enfer sur terre. Alors la prochaine fois qu’on croise un de ces gars à gilets fluo et gants double épaisseur, si on essayait de leur sourire en les regardant droit dans les yeux? 

 

Trashed, Derf Backderf,  Ed çà et là, 237 pages bichromie, 22 €

Disponible sur BAZAR e-SHOP