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David les femmes et la mort, Judith Vanistendael, Lombard, 280 pages coul, 19,90 €

Danse avec la mort

Gilles Bechet -

La mort inévitable. Que fait-on quand elle s’approche sans se cacher, dans l’ombre glaçante d’un cancer ? Judith Vanistendael réussit le tour de force d’aborder ce sujet plombant dans un roman graphique d’une grande justesse et d’une touchante légèreté qui ne s’embarrasse pas de pathos. L’annonce d’un cancer de la glotte sonne comme les premiers battements du glas pour David, un libraire aux cheveux gris. Pour lui et pour les femmes de sa vie, le compte à rebours a commencé.

Arrêter le temps
Il y a Paula, sa deuxième femme, la moitié de son âge, Tamar, leur fille enfant, et Miriam, sa fille aînée, tout juste maman. Entre chagrin et colère, chacun tente d’apprivoiser ne serait-ce que l’idée de la mort. Sans trop savoir que faire de ses émotions, on voudrait arrêter le temps. Et c’est dans les petites choses qu’on y arrive. Quelques jours en bateau sur un lac, le sourire d’un bébé, la recette de la momification au cas où, quelques pas de danse avec un inconnu la nuit dans le port d’Helsinki. Et les radios de ces horribles métastases qu’on découpe pour en faire un pantin. Même si David est seul face à la mort, c’est ensemble qu’ils l’attendent.

Réalisme magique
Judith Vanistendael, fille du poète Geert Van Istendael, raconte et dessine son histoire avec une sorte de rage décomplexée. Le trait est vivant, les couleurs sont franches. Confiant successivement la narration à ses trois personnages féminins, elle saute les générations et change de point de vue. Avec une grande liberté, elle capte des détails du quotidien comme elle se glisse dans des moments suspendus de réalisme magique. Elle peut se laisser submerger par une vague de tristesse puis emporter par l’irrévérencieuse fraîcheur des enfants. Traduite en allemand, en anglais, en espagnol et en coréen, cette B.D. est une belle leçon de vie et rappelle qu’entre l’amour et la mort, il n’y a qu’une voyelle qui dissone.

 

David les femmes et la mort, Judith Vanistendael, Lombard, 280 pages coul, 19,90 €