Présent composé
Emmanuel Van der Auwera

Gilles Bechet -

Intense actualité pour Emmanuel Van der Auwera qui présente un diptyque au Botanique et chez Harlan Levey Projects et participe à l’exposition collective Open Skies au Wiels. Une reconstruction d’un monde d’images.
Emmanuel Van der Auwera, The Sky is on fire, 2019, video still
Quand le monde aura disparu, il nous restera des images. Du moins tant qu’on aura de l’électricité sous une forme ou une autre. The Sky is on Fire, l’impressionnante installation d’Emmanuel Van de Auwera au Botanique déploie des images d’un monde où la végétation envahit les trottoirs et les rond-points et s’insinue entre les failles du béton.
Emmanuel Van der Auwera, The Sky is on fire, 2019, video still
Mais à y regarder plus près, il y a quelque chose qui ne va pas. Rien de tout cela ne semble réel. C’est comme si la surface des choses s’écaillait, comme si des fragments disjoints s’enchâssaient les uns dans les autres pour éviter des fuites. Ou alors seraient-ce plutôt les dernières traces d’un monde fossilisé dans la mémoire numérique ?
Emmanuel Van der Auwera, photo Heleen Rodiers
Emmanuel Van der Auwera est un de nos grands artistes, fasciné par la puissance des images banales du récit médiatique et par le trop-plein qui circule. Ayant déjà renoncé à nous informer, les images se surimposent les unes aux autres comme des métastases de sens qui définissent notre rapport à la violence, à la ville, à la mort et à la nature.
Emmanuel Van der Auwera, The Death of K-9 Cigo, 2019, video still
Le 18 février 2018, un jeune homme lourdement armé revient dans le lycée où il a étudié, à Parkland en Floride. Il abat 17 personnes et en blesse 17 autres. Emmanuel Van de Auwera s’est rendu en Floride pour faire des recherches sur les échos visuels de cette tuerie. Il y découvre Periscope, un réseau social de partage médiatique interactif alimenté en contenu par ses usagers de vidéos, messages audio et photos.
Emmanuel Van der Auwera, The Death of K-9 Cigo, 2019, video still
Avec tout ce matériel il réalise le film The Death of K9-Cigo où il met en parallèle l’émotion suscitée chez les policiers par la mort d’un chien d’attaque en mission, le rassemblement de lycéens tentant d’éveiller les consciences aux conséquences du port d’armes généralisé, ou encore des images retrouvées sur le portable du tueur. Autant d’images que se déversent dans l’espace social comme une logorrhée filmique sans hiérarchie ni recul.
Emmanuel Van der Auwera, The Sky is on fire, 2019, video still
Il y a aussi intégré le monologue halluciné d’un homme, insomniaque, qui errait la nuit dans les rues de Miami évoquant son angoisse face à la déliquescence du monde qui l’entoure et en même temps sa confiance inébranlable vis-à-vis de la technologie. On retrouve le même narrateur en voix off de l’installation The Sky is on Fire. Sur trois écrans géants, des images glissent se prolongent, se répondent. On y voit, dans une ambiance de fin de monde, des zones urbaines anonymes jonchées de débris et envahies par la végétation, des panneaux publicitaires, des voitures dans un parking ou une supérette.
Infospratiques
Emmanuel Van der Auwera, The Sky is on fire, 2019, video still
Les couleurs sont chatoyantes mais l’Eden est fatigué. Ces images ont été tournées par l’artiste à Miami à l’aide de son smartphone. Il les a ensuite complètement retravaillées en 3D à l’aide un logiciel basique pour recréer des paysages factices. Le résultat est une déréalisation complète des images du réel, comme un amnésique qui tenterait de reconstituer son quotidien disparu. Dans cette expérience immersive, l’image déborde de son cadre pour nous offrir le décor de nos propres fragilités.