La demoiselle
de Turin

Pierre-Benoît Sepulchre -

Turin, capitale industrielle de l’Italie, porte aussi le nom d’Autorino, en référence au lien indéfectible qui lie la ville à sa légendaire ambassadrice : Fiat. Ce chef- lieu du Piémont regorge d'Histoire, de charme et de surprises. Balade, arrêts sur images et belles adresses incontournables.

 

 

© Elena Datrino
De l’industrie à l’art de vivre

Turin la géométrique, avec ses longues avenues en damiers, se fait nettement plus discrète que ses rivales Rome, Venise ou Milan. Elle est pourtant l’un des principaux poumons industriels du pays, avec une apogée dans les années 50 et 60 lorsque de nombreux Sudistes viennent chercher pain et labeur au Nord du pays. Moins rutilantes que ses rivales, Turin  est belle et attachante, rivalisant d’originalité avec ses dômes, ses monts lointains et son architecture hétéroclite, due à d’intenses bombardements lors de la seconde guerre mondiale.

 

© FCA
Dandy Agnelli

L’ histoire de Turin est  en grande partie liée à celle de la famille Agnelli, et plus particulièrement à « Gianni » Agnelli, dernier patriarche du constructeur transalpin. Lorsqu’il disparaît en 2003, la presse internationale salue unanimement le « Seigneur » qu’il fut, certains n’hésitant pas à pleurer « le dernier roi d’Italie ».

Ce riche héritier, descendant des Bourbon par sa mère, Virginia Bourbon del Monte, éprouvait beaucoup d’affection pour Turin. Dandy tperpétuellement hâlé, il vit à plein régime mais sait se faire discret lorsqu’il s’agit de fréquenter ses ouvriers. Admiré autant que critiqué, l’homme savait lorsqu’il valait mieux laisser ses rutilants coupés sportifs au garage.

 

 

Fiat 500Happy 60!
© Elena Datrino

Au tournant du siècle, Turin toussotte. Les ventes de voitures neuves sont en chute libre. Après le décès de Gianni Agnelli, Fiat appelle à sa présidence le boss de Ferrari, Luca Cordero di Montezemolo. Il forme une nouvelle équipe et nomme Sergio Marchionne comme PDG. Celui-ci restructure complètement la branche automobile du groupe Fiat, sans pour autant supprimer des effectifs.

Capitalisant sur le design et la modernité des équipements proposés, Fiat retrouve rapidement une image de marque, d’abord avec la Grande Punto, en 2005, mais surtout avec la résurrection de la Fiat 500 en 2007. La citadine rencontre immédiatement un succès international, offrant au constructeur une manne de cash qui tombe à pic.

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Chef-d’oeuvre rationaliste

Il porte le nom de Lingotto (lingot dans la langue de Voltaire). Un site considéré comme un chef d’œuvre de l’architecture industrielle du début du siècle dernier, et ce alors que le béton armé se généralisait dans la construction de grands édifices. Avec ses vitres allongées, l’immense bâtiment est l’orgueil de Fiat, épatant même Le Corbusier, invité à scruter ce colosse industriel.

L’usine située sous ce qui fut une piste d’essais a été conçue par l’ingénieur italien Giacomo Mattè Trucco, dans un style typiquement rationaliste, qui brille par sa sobriété. Les travaux débutent en 1916 pour s’achever en 1922. L’inauguration fut à la hauteur de cet imposant projet industriel, en présence du roi Victor-Emmanuel III.

La 500,bien plus qu'une voiture
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De l’auto à l’hélico

D’une longueur supérieure à 500 mètres, l’usine du Lingotto comprenait deux corps de bâtiments longitudinaux, destinés à la production automobile et répartie sur cinq étages. Chacun d’entre eux correspond à un stade de la production. À la belle époque, ce temple du taylorisme emploie quotidiennement quelque 10.000 ouvriers !

Si l’assemblage de véhicules fut définitivement condamné en 1982, Giovanni Agnelli, très attaché à cette usine historique, y fait construire un héliport en 2002, doublé d’une salle de réunion consistant en une majestueuse bulle de verre. Le site du Lingotto abrite aujourd’hui un hôtel, une galerie commerciale ainsi que le plus grand centre de congrès d’Europe. À visiter si vous êtes de passage dans le Piémont !

 

Hotellingotto
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NH Lingotto : dormir…au volant

Dès 1982, Fiat et la municipalité de Turin créent une société d’économie mixte visant à reconvertir ce gigantesque site avant qu’il ne devienne une friche industrielle. Il faudra néanmoins attendre 1985 pour que Fiat charge l’architecte Renzo Piano, à qui l’on doit notamment le Centre Pompidou, de la rénovation du site. L’usine est segmentée afin d’y créer différentes zones d’affectation, mêlant tertiaire, logements et hôtels ainsi qu’activités culturelles. 

 

 

Les restosTOP 3
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 Turin la gastronome

Robuste (proximité des montagnes oblige) mais aussi délicate (le noblesse locale, dont la cour de Savoie, était friande de mets raffinés), la gastronomie piémontaise est l’une des plus diversifiée d’Italie. On ne compte plus les fromages ni les vins, tous plus exquis les uns que les autres. C’est aussi là qu’on trouve les meilleures truffes blanches du globe ainsi que le délicieux chocolat gianduja. Autant de spécialités locales qui côtoient le bagna cauda, un plat typiquement paysan composé d’anchois et d’ail.

 

 

Une véritableicône
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Museo Nazionale dell’Automobile

Comme Rome, Turin a mis du temps avant de se convertir au métro. Ce ne fut le cas qu’en 2006, à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver, organisés dans la capitale du Piémont. Il se dit que Gianni Agnelli en freinait l’arrivée, considérant le métro comme une menace pour la santé de son entreprise… Mais lui-même a fini par comprendre que la métropole devait changer d’époque, la congestion menaçant l’économie de la ville. Une fois le 20e siècle laissé dans le rétroviseur, Turin décide de se faire belle pour les touristes et de dévoiler son riche patrimoine, jusqu’alors peu mis en valeur. C’est ainsi qu’en 2011, on rouvre un joyau local : le Musée de l’Automobile. Sur les bords du Pô, dans un temple à l’architecture moderne, on trouve des dizaines de voitures, italiennes comme internationales, lustrées comme des sous neufs. Fiat, la fille turinoise, est bien entendu largement représentée, mais d’autres beautés, dont des Lancia, des Alfa Romeo ou encore des Ferrari, sont également de la partie.

 

© Elena Datrino
Le Palais Carignano

Pendant des siècles cœur du Royaume de la Maison de Savoie, Turin fut le théâtre et le centre propulseur de l’Unité nationale et première capitale du Royaume d’Italie. Visiter Turin et ses alentours, pour découvrir les nombreuses résidences royales que la Maison de Savoie fit construire entre le 17e et le 18e siècle, équivaut à faire un saut dans l’histoire. En 1997, quatorze résidences royales situées à Turin et dans le reste du Piémont, ont été inscrites sur la World Heritage List de l’UNESCO. Parmi celles-ci, le Palais Carignano, de style baroque, vit naître Charles-Albert et Victor-Emmanuel II de Savoie, et fut également le siège du premier Parlement italien. Il renferme aujourd’hui le Musée du Risorgimento, qui contient notamment une reconstitution du cabinet de travail du comte de Cavour, considéré comme l’un des pères de la patrie italienne.