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Rangsutra ©KB

Le portrait de Nisha

Philippe Berkenbaum -

J’étais très bonne à l’école mais mon père était totalement opposé à l’éducation des filles, évoque tristement Nisha, âgée d’une petite trentaine d’années. Alors que mon frère a été envoyé dans une école privée malgré ses mauvais résultats. 

Son mari n’était pas contre l’idée qu’elle étudie mais, lui-même étudiant en droit, il n’avait pas les moyens de subvenir aux besoins du couple. Résultat : Je passais l’essentiel de mon temps dans ma belle famille à m’occuper du ménage.  

Lorsqu’elle a entendu parler du projet Rangsutra et voulu le rejoindre, son entourage s’y est violemment opposé.  Mon mari disait que si je me rendais à la formation, j’oublierais de rentrer à la maison. J’ai tenu bon et il ne m’a plus adressé la parole pendant trois mois. Tout le village me critiquait, sauf ma belle-mère qui, elle, m’a soutenue discrètement. 

Ses compétences lui ont rapidement permis de devenir elle-même formatrice, de commencer à gagner sa vie et de rapporter de l’argent à la maison. Ce qui a fini par ramener son entourage à la raison. Mais qui ne l’empêche pas de garder la main sur ses finances et d’en consacrer l’essentiel à l’éducation de ses quatre enfants, à laquelle son mari, devenu avocat, ne participe pas. Elle, en revanche, l’aide à rembourser les traites du tracteur familial.  Et je suis très heureuse de pouvoir offrir des choses à ma belle-mère qui m’a accordé sa confiance pendant tout mon processus d’émancipation, sourit Nisha. Je sens ses yeux briller quand elle me regarde. C’est très important pour moi de voir qu’une situation comme la mienne, impensable encore voici quelques années, devient presque commune aujourd’hui dans les environs. Même s’il faudra encore longtemps avant d’atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes.