Art de vivre
en Pyrénées orientales

Gilles Bechet -

Bordés de la méditerranée et des Pyrénées, Perpignan, Collioure et Banyuls et les paysages qui les entourent façonnent un pays catalan français qui vaut le détour. Parcours découverte entre gastronomie, art, histoire et plaisir de vivre.

Bouteilles à la mer, 2019, photo Gilles Bechet
On associe trop facilement la vigne aux coteaux escarpés ou au climat continental mais la proximité des embruns marins n’empêche nullement la production de vin, bien au contraire. En Roussillon, la culture de la vigne remonte à l’Antiquité. Aujourd’hui, la région renommée pour ses vins doux naturels comme le muscat de Rivesaltes ou le Banyuls regorge d’autres crus à découvrir. La proximité de la méditerranée a poussé sept vignerons de Canet à se lancer dans une expérience peu commune : plonger leurs bouteilles à la mer. Les vins ont été immergés à 5 mètres de profondeur, à une température de 10° dans l’obscurité et sous une pression de 1 bar. Le gaz sous pression joue alors comme un « booster » d’arômes. La différence avec un cru non immergé se marque cependant d’avantage sur les blancs comme le Cadireta 2017 du Domaine Lafage ou sur le muscat de Rivesaltes du Château des Hospices de Canet. Chaque année, une balade dégustation est proposée le week-end de Pentecôte. Préparez vos agendas.
La Guinelle, Cosprons, photo Gilles Bechet
Dans les cuisines, le vinaigre est souvent négligé, les produits de qualité, difficile à obtenir. Autodidacte, Nathalie Lefort s’est lancée il y a un vingtaine d’année dans la production artisanale de vinaigre sur un terrain ensoleillé dans les contreforts des Abères. La recette est on ne peut plus simple, un vin de qualité, sans souffre, qu’on laisse travailler dans des vieux tonneaux de Banyuls et de CollioureC’est à priori un non sens économique, comme c’est un processus qu’on ne maîtrise pas et qui varie en fonction du climat. précise Edgar Lefort. L’agréable surprise fut de découvrir que dans ce lieu magique, les bactéries travaillent plus vite qu’on ne l’attend. Un programme de recherche mené par plusieurs universités, découvre même la présence d’une bactérie unique en grande quantité. Si La Guinelle privilégie les vinaigres de vins d’origine comme le Banyuls, mais aussi le Mauzac (près de Gaillac) ou le Savagnin du Jura, ils produisent également un vinaigre aromatisé aux clous de girofle et à la cannelle concassée, suivant une recette du 16e siècle.
Ateliers de salage, années 50, photo (c) Anchois Roque
Il y a une cinquantaine d’années, on comptait une trentaine de maisons de salage d’anchois à Collioure. Aujourd’hui, il en reste deux. Dans la famille Roque, on en est à la cinquième génération. Même si la production se fait en dehors de la ville dans des usines répondant aux normes sanitaires européennes, le poisson est toujours travaillé comme il l’était, il y a 100 ans. Avec la disparition des barques catalanes, la pêche à l’anchois a pris le large dans la méditerranée et le Golfe de Gascogne. Salés après la prise, les poissons sont mis en fûts et une fois éviscérés et étêtés, ils sont rangés en couronne avec des couches alternées de sel et de poisson pressés. Après une maturation de trois mois, quand le saleur sent cette odeur particulière de jambon fumé, il sait que l’anchois est prête à être travaillée par les fileteuses qui enroulent en bocal les filets préparés à l’huile ou au sel.
Palais des Rois de Majorque, Perpignan, photo Gilles Bechet
A Perpignan, l’identité catalane est une évidence. Les drapeaux sang et or occupent les murs, les balcons, les enseignes, la langue apparait bien souvent en sous-titre du français. La communion de destin avec leurs frères du sud, comme on les appelle ici, est aussi inscrite dans l’histoire, et dans l’éphémère royaume de Majorque, qui n’a vécu que 73 années et a laissé une impressionnante citadelle et un château qui surplombant encore la ville. Construit par Jacques II au début du 14e siècle, le palais a connu à peine deux siècles d’occupation royale pour cinq siècle d’occupation militaire. Ce qui veut dire qu’il a été vidé de ses décorations et aménagements originels, hormis un plafond peint et les deux superbes chapelles du Roi et de la Reine. Il n’en reste pas moins qu’avec son style gothique aux influences hispano-mauresques, le Palais en impose. Certains lui verront même des petits airs de Port Réal.
Musée Maillol, Banyuls, Photo Gilles Bechet
Quand il voulait prendre de la distance avec l’agitation et les sollicitations de Paris, le sculpteur Aristide Maillol se réfugiait dans la maison qu’il avait achetée sur les hauteurs de Banyuls, non loin de la demeure familiale dont avait hérité sa sœur. Ce refuge était une masure fruste sans eau ni électricité. Ce qui ne l’a pas empêché d’y recevoir, pendant les mois froids, les plus grands artistes de son temps. Limité par les difficultés d’accès, le sculpteur n’y réalisait pas de grandes pièces et se concentrait surtout sur la peinture et les dessins à la base de ses sculptures. S’il a gardé aujourd’hui, l’image d’un artiste officiel, Maillol était à son époque un artiste novateur qui s’est démarqué du romantisme noueux de Rodin pour caresser un art plus idéalisé ouvrant la voie à Henry Moore et à l’abstraction. J’aime qu’on rentre dans les sculptures comme dans une maison, sans être détourné par l’expression d’une émotion. a-t-il dit.
André Masson, Le couvent des Capucins à Céret, 1919, Musée d'art moderne de Céret, Photo Robin Townsend © Adagp, Paris 2019
Surnommée la Mecque du cubisme, la petite ville de Céret a été au début du XXe siècle, un pôle d’attraction pour des grands noms de l’art moderne. Invités par le sculpteur Manolo Hugué et le peintre et mécène Frank Burty Haviland, des artistes comme Picasso, Braque et Juan Gris y ont séjourné et travaillé. Par la suite, on y verra aussi Soutine, Chagall, André Masson ou Raoul Dufy. Le musée d’art moderne, conçu par l’architecte barcelonais Jaume Freixa, raconte sobrement cette passionnante aventure qui s’est poursuivie dans tout le siècle avec les mouvements contemporains également présents dans les collections. Non loin de là, Músic, le Musée des instruments, est une découverte aussi inspirante qu’inattendue. Une scénographie qui associe lumière et paysage sonore, dévoile une très riche collection d’instruments du monde ainsi que d’improbables instruments imaginés par des intrépides explorateurs du son, modernes et contemporains.
Infospratiques
Le Mas Pys, Céret, photo Gilles Bechet
Céret est la capitale de la cerise. Il est de tradition qu’en mai un cageot de la première cueillette soit envoyé à l’Elysée. Au Mas Py, un domaine de 100 hectares, situé sur les terres arides des Aspres au pied du massif Canigou, on cultive des cerises, mais aussi des olives et on y élève le porc ibérique laissé en liberté. Ce vaste domaine agricole a été repris par un couple franco-suisse, tombé amoureux de la région. Converti à l’agriculture biologique, ils ont replanté des cerisiers et des oliviers dont les feuilles argentées moutonnent les collines quand souffle le mistral. On y produit des cerises séchées qui se conservent toute l’année et inspirent les gastronomes et pâtissiers. L’huile produite sur ces terres, non irriguées au climat particulièrement ensoleillé, garde un puissant goût de terroir. L’assortiment comprend des huiles d’assemblages et des mono-variétales comme l’Olivère, variété locale et l’Arbéquine, variété catalane plus douce.