end header
Bertand Burgalat
Bertrand Burgalat, Les choses qu'on ne peut dire à personne, © Tricatel

CD LÉGÈRETÉ MÉLANCOLIQUE BERTRAND BURGALAT

Gilles Bechet -

Le musicien et chanteur français Bertrand Burgalat signe un album copieux de chansons et d’instrumentaux aux arrangements sophistiqués traversés d’une émotion nonchalante.

« Attention au départ » nous susurre une voix féminine à l’entame de Crescendo, le bien nommé instrumental tourbillonnant qui ouvre le nouveau disque de Bertrand Burgalat. Et tout de suite, le tempo ralentit comme pour dire qu’après cette invitation au voyage, on prendra le temps qu’il faudra. On ne le sait pas encore, mais l’album dépasse l’heure de périple et il sera fertile en découvertes. Déjà les images défilent, le hall d’Orly, OSS 117, un rendez-vous dans un lounge bar alors que dehors il pleut, un crépuscule sur une terrasse de la Riviera, une femme qui embrasse soudainement un homme alors que leur voiture est coincée dans un embouteillage. Le feu est vert, il est temps de partir.

Des références assumées

Producteur, arrangeur et musicien, Bertrand Burgalat occupe une place bien à lui dans le paysage musical français. Entre variété classieuse, disco-funk et musique de films, il navigue dans un univers de références assumées qui ne virent jamais au pastiche. Élitistes par défaut et par manque de curiosité des diffuseurs, ces pièces d’orfèvrerie musicales sont pourtant accessibles, légères et chargées d’émotions retenues. Patron du label Tricatel, Burgalat cultive un peu malgré lui un personnage de dandy alors qu’il est avant tout un fou de musique. Cinq ans après Toutes Directions, le voilà de retour avec un septième album très réussi où musiques et paroles se complètent et se répondent pour façonner un séduisant voyage où derrière les références au passé de la musique se dévoile un portrait doux-amer du monde actuel..

Simplement humain

A l’instar d’un Benjamin Biolay et de tous ces chanteurs post-Gainsbourg, Burgalat n’est pas un chanteur à voix. Son chant ne s’impose pas, il est nonchalamment posé, murmuré. Sur le ton de la confidence, il chuchote, raconte, porté par le souffle du Zéphyr. Parfois, il semble pousser sa voix jusqu’à la limite du faux, c’est juste une manière de se montrer simplement humain. Et la vie reste belle, c’est l’essentiel. Il y a certes de la mélancolie, des regrets, des souvenirs, mais sans jamais se laisser gagner par la tristesse, car A quoi servent les vieux regrets que l’on n’exprimera jamais ? Il chante aussi l’amour, les voyages et l’éclat d’une modernité assumée mais pas aveugle.

Variété sophistiquée

Des instrumentaux ouvrent et ponctuent l’album de moments de respiration. Comme des cartes postales sonores, les tonalités et les ambiances changent au gré des escales. Au dansant et moite Etranges Nuages succède Tombeau Pour David Bowie, une superbe pièce minimaliste, hommage à l’album Low. Dans ces musiques à tiroir, à la basse bien en avant, aux synthés vintage, aux cordes soyeuses et nerveuses et aux guitares qui claquent sèchement leurs accords, on devine les multiples références au funk-disco des années 80 et aux musiques de film. Michel Legrand, sors de ce chœur ! On baigne dans la variété sophistiquée comme un précipité de toutes les musiques auxquelles on ne prête pas attention mais qui s’enroulent dans l’oreille, légères mélancoliques, groovy et jouettes.

Autoportrait décalé

En fin gourmet, il picore ses textes chez différents paroliers, et signe lui-même les paroles de trois chansons qui n’ont certainement pas à rougir de la comparaison.
Dans L’enfant sur la banquette arrière, il live un autoportrait décalé et cinglant. Je suis l’enfant, sur la banquette arrière, Le taliban dans un container – Je suis l’écureuil lancé du Grand Canyon – Le cercueil sur son tapis roulant – Qui avance en chansons – Vers le crématorium.
Dans Son et Lumière, sur le tempo paresseux d’une boite à rythmes, il évoque les Sisyphe de la musique populaire toujours sur le métier, chanson après chanson. Comment faire pour inventer quand tout semble avoir été fait ? Alors que le tableau nonchalant qu’il dresse de la musique business fait froid dans le dos : le peuple est parqué dans les stades asservi à coups de FM et A Damas, le Rais écoute New Order.

 

Beau voyage

Quand le voyage s’achève, les images qu’on avait à l’embarquement ne se sont pas estompées, mais elles se mêlent à d’autres en demi-teinte, hantées par les copains aux blousons troués qui reviennent de loin, les villas silencieuses dans la nuit d’été, le quartier de la Défense au petit matin. C’était un beau voyage et ça on peut le dire à tout le monde.

 

 

Les choses qu’on ne peut dire à personne, Bertrand Burgalat, CD Tricatel, 19 titres, 69 minutes

 

Lire ici l’interview long format de Bertand Burgalat où il parle de son album, de notre époque et de l’illusion de l’originalité.