BXL UNIVERSEL
REGARD en CAPITALE

Gilles Bechet -

L’exposition Bxl Universel à la Centrale rend hommage à cette capitale irréductible par la rencontre improbable de l’art contemporain et de la zwanze, l’élite et le populaire. Prévue et rêvée de longue date par son commissaire Carine Fol, elle a vu le jour dans l’effroi qui a suivi les explosions et les morts d’un matin de mars.

 

Costume Manneken Pis Saint-Michel ©
Des images de la Weltmaschine, la merveilleuse machine assemblée pendant plus de 20 ans par un fermier autrichien subjugué par une photo de l’atomium parue dans la presse locale, ouvrent le parcours. Du haut de l’étoile de l’expo 58, on plonge dans le melting pot bruxellois qui réunit les Snuls et Marcel Broodthaers, Stromae et Kendell Geers, Toone et Marie-Françoise Plissart. Petit Prince des déguisements, Manneken-Pis a été adopté par Thomas Lerooy qui en fait le totem grinçant d’une ville qui défie la mort.

 

 

C’est qui Manneken-Pis ? C’est Bruxelles, c’est tout le monde et personne. Thomas Lerooy en fait un icône de son propre bestiaire fantasmatique. Et quand il convoque un crane grimaçant qui aurait pu être emprunté à Ensor. C’est comme pour dire La mort, tu sais on l’arrose. Et Bruxelles restera Bruxelles.

 

 

Vortex des delices ©Gilles Bechet
Il tourne, il tourne, le Vortex des Délices de Christoph Fink. Au repos, il semble solennel mais quand il se met en mouvement, on peut y voir la silhouette d’un géant possédé par l’âme tourbillonnante du derviche. Une belle image de la réalité multiculturelle de la ville qui s’inscrit aussi dans les délicates broderies qui le bordent que dans la bande son où s’entrechoquent des sons récoltés en Belgique et à Jérusalem. Des tambours, des fanfares, des explosions de joie et de mort, la vie dans les ateliers et dans les rues pour relier deux villes mondes.

 

 

Installation ©Elvis Pompillo
Certains artistes aiment les accumulations, le brol comme on dit. Le chapelier Elvis Pompilio fréquente assidument la Place du jeu de Balle où il craque pour des objets, colifichets qu’il accroche aux murs de son atelier. Ce joyeux mélange de kitsch vintage et assumé fait un bel écho au piano du musicien Américain Charlemagne Palestine, submergé par les divinités comme il appelle ces peluches abandonnées dénichées dans les magasins de seconde main de Bruxelles et d’ailleurs. Alchimie du pur et de l’impur, de l’inculte et du savant.
BXL Universelle livre
Vincen Beeckman ©
Comment évoquer une ville sans ses habitants ? Vincen Beeckman les glisse dans ses images qui composent une impressionnante mosaïque de 1300 clichés. Son appareil photo en poche, il arpente les quartiers et les rues, s’immisce dans l’intimité de la ville, pour documenter le monde dont il fait partie. Dans cet autoportrait en policier, il n’essaie pas de nous faire croire qu’il va sauver la ville, mais plutôt que chacun peut s’en charger en veillant les uns sur les autres.

 

Franky DC ©
L’art des artistes bruxellois est profondément zinneke et hétérogène. C’est un art qui s’en fout de ses origines mélangées où l’on prend des artéfacts d’art africain pour les momifier dans des rubans de plastique rouge et blanc et où l’on peut récupérer un vieux drapeau belge pour y peindre un aquarium. La toile de Franky DC nous invite, comme toute œuvre d’art digne de ce nom, à voir l’invisible, celui que l’on ne veut ou ne peut pas voir. L’artiste bruxellois s’intéresse à la « tache aveugle », cette zone située à l’entrée du nerf optique, où le cerveau doit compenser l’absence de perception. Dans une ville baignée de drache, il a mis un aquarium. Et les poissons sont à l’extérieur.
Infospratiques
©Ann Veronica Janssens
Bxl Universel n’est que le premier chapitre d’un portrait subjectif de la capitale Belge et européenne. On en sort peut-être avec un goût de trop peu, mais il est très voisin de celui du revenez-y. Car comme Bruxelles, l’exposition ne se dévoile pas au premier regard, elle ne se révèle pas aux gens pressés. Elle se clôture par une œuvre troublante de simplicité de Ann Veronica Janssens qui a installé sur le toit de la Centrale une caméra qui filme le ciel en temps réel. Quand on sort, il n’y a plus besoin de lever les yeux, la lumière est descendue sur la ville.