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Platteland
Simon Vansteenwinckel, ©Photo Carolina Bello

Simon Vansteenwinckel
Interview long format

Gilles Bechet -

Simon Vansteenwinckel aime une photo brute et floue qui déborde de vie et où la réalité se transforme sous son objectif. Graphiste de jour et photographe de contrebande, il travaille sur différentes séries qu’il ramène du pays noir, du Chili, des plages Landes, des rings de catch et d’autres lieux qu’on ne trouvera jamais sur une carte. Dans Platteland, il ramène des images d’un drôle de pays qui est la Beeelgique. Un pays où on sait faire la fête pour combattre la solitude, où on rêve d’Amérique et où les enfants se laissent pousser des ailes. Platteland est exposé et édité par chez Home Frit’ Home.

 

Dans Platteland, on n’est pas en Belgique et en même temps on y est complètement ?
C’est une vision de la Belgique à ma manière. Platteland, c’est le plat pays et aussi la campagne en flamand mais ça peut aussi être de l’anglais ou une autre langue, on ne sais pas bien. C’est une Belgique parallèle, parfois assez sombre, où on voit autre chose que l’Atomium, la Grand Place et les Gilles de Binche.

 

On y voit souvent des gens qui se mettent en scène ?
Ces gens en représentation sont plus facilement accessibles. J’ai toujours été attiré par ce qui est rituel et mise en scène. Ce n’est pas un hasard s’il y a pas mal de photos de carnaval. Ce sont des moments où les gens cherchent à se transformer, à passer de l’autre côté. Le carnaval sauvage de Bruxelles, dans les Marolles, est un événement qui m’intéresse beaucoup. J’aime ces événements populaires et festifs qui ont souvent un côté religieux et sacré. J’ai toujours été intéressé par ce qui est surnaturel et un peu mystique.

 

Les photos sont presque toujours centrées sur les gens plus que sur les paysages ?
Si je fais la photo, c’est pour aller vers les gens que je n’aurais jamais rencontré sans ce prétexte. Quand on arrive quelque part en tant que photographe, c’est souvent un laisser passer alors que si tu demandes  Est-ce que je peux venir regarder ? Ça peut paraître bizarre.
À l’étranger, il me faut toujours un petit temps d’adaptation pour prendre ses marques. En Belgique, c’est pareil quand tu arrives dans des milieux que tu n’as pas l’habitude de côtoyer. Il faut sentir comment les gens réagissent, ce que tu peux faire, ce que tu ne peux pas faire et à quel point les gens ont prêts à se laisser prendre en photo.

 

Vos photos ne restituent pas le réel, elles le transforment ?
C’est pour ça que j’aime travailler en noir et blanc avec des ambiances assez sombres et des contrastes appuyés. J’aime quand une photo ne montre pas la réalité telle qu’elle est, mais qu’elle l’interprète par une ambiance ou un rendu. J’aime bien quand on ne sait pas trop où on est. C’est pour ça que dans le livre, j’en dis le minimum, il y a juste le lieu et la date. Je n’ai pas envie que tout soit expliqué au lecteur. Il y a une suite d’images mélangées sans tenir compte de la chronologie. Je préfère quand le lecteur se pose des questions et s’imagine des choses, se trompe et essaie de se faire sa propre histoire. Ce n’est pas un travail de documentaire ou de reportage. Je ne cherche pas à présenter une situation de manière objective, mais plutôt à faire passer un ressenti ou des émotions.

 

Comment abordez-vous la prise de vue ?
C’est complètement instinctif. Chaque fois que je vais prendre des photos, je n’ai aucune idée de ce que je vais faire. Les bonnes photos, c’est comme des cadeaux, tu es au bon endroit, tu les prends. Après tu peux essayer d’anticiper les choses quand tu es sur place en comprenant comment les choses se passent. Je trouve ça agréable d’être là sans pression et de prendre ce qui arrive. Des fois, on rate des bonnes photos et à d’autres moments, il y a des petits miracles qui se passent devant toi.

 

Vous semblez fuir les images trop léchées ?
Je travaille avec de appareils qui ne sont pas toujours très performants. Pour moi, le flou fait aussi partie des procédés pour mettre une ambiance ou faire en sorte que l’image soit plus suggérée qu’expliquée. Dans les photos des macrales à Ermeton-sur-Biert, on voit des juste silhouettes. On reconnait les chapeaux pointus et les nez crochus et c’est suffisamment suggestif. Ça devient plus graphique et plus évocateur.


Vous êtes adepte du low-fi ?

Oui. Toute ma série Charley King sur Charleroi a été prise avec un appareil Holga. C’est un appareil chinois avec un lentille en plastique, c’est l’appareil le plus bas de gamme possible et qui au final rajoute du flou. Il y a beaucoup de lumière au centre alors que les bords sont sombres. Au niveau technique, cet appareil est très mauvais mais pour moi, il apporte un plus parce qu’il interprète l’image. Tu n’as pas un rendu tout lisse et parfait comme tu peux parfois avoir en numérique.

 

L’objectif est-il un filtre pour vous souvenir de certaines choses ?
J’ai une mémoire très visuelle. Il m’est déjà arrivé de me retrouver sans appareil dans un endroit ou une situation qui m’inspire. Alors je fais une photo sans appareil. Et j’imagine la photo telle qu’elle pourrait rendre. Dernièrement, après avoir pris tout un film photo, je me suis rendu compte qu’il ne s’était pas enclenché et que j’avais fait toutes les photos dans le vide. Mais par après, je me souvenais précisément de toutes les photos. Je les voyais dans ma tête et je savais ce qu’elles auraient pu rendre. C’est très frustrant parce que ce sont des photos qui n’existeront jamais, sauf dans ma tête.

 

 

Platteland
jusqu’au 04.05.19

Home Frit’ Home
242 rue des Alliés 242, 1190 Bruxelles
www.homefrithome.be
Ouvert chaque 1er week-end du mois ou sur rendez-vous (+32 495 23 01 63)