WALTER SWENNEN
DANS LE LABYRINTHE DU SENS

Gilles Bechet -

Walter Swennen est un peintre facétieux qui réalise des tableaux déroutants et ouverts, des énigmes sans solution. Depuis son atelier bruxellois, il peint un monde qui n’existe que quand on le regarde. Un film et des publications explorent et prolongent son œuvre récente.

 

©Walter Swennen et Violaine de Villers
Il n’est pas difficile d’apprécier les peintures du jeune septuagénaire. Devant ses collages de la pensée, il faut juste lâcher prise, ne pas s’attacher à la première impression que pourraient suggérer ces fragments d’images, ces bribes de mots et ces lettres à découvert. Et prendre le temps et le plaisir de s’immiscer dans sa peinture libre, radicale et accessible.

 

 

©Walter Swennen et Violaine de Villers
Dans son film La Langue Rouge, la cinéaste Violaine de Villers emprunte le labyrinthe créatif du peintre. Posant sa caméra dans son atelier bruxellois, elle l’écoute parler, bouger et manipuler ses trouvailles. Elle le suit dans ses voyages artistiques à New York et à Düsseldorf et s’amuse aussi à quelques facétieuses permutations dadaïstes. Tout ce que j’aborde dans le film est lié à sa peinture, mais j’ai quand même choisi d’appeler ça la langue rouge parce que la langue est quelque chose pour lui de très difficile.

 

 

Atelier de Walter Swennen ©Paul Smith
À l’âge de 5 ans, Walter Swennen a décidé qu’il n’allait plus s’occuper du sens des choses. C’est aussi le moment où il a changé de langue maternelle. En famille, on allait désormais, parler uniquement le français, au lieu du néerlandais. Depuis, le peintre s’est toujours méfié de la langue. Le langage est devenu pour lui une malédiction, presque une punition qui emprisonne la pensée. Pour s’en défaire, il en joue de toutes ses composantes. En semant ses toiles de mots et de lettres.
Walter SwennenInterview
Atelier de Walter Swennen ©Paul Smith
Walter Swennen peint depuis une quarantaine d’années. Au moment de ses premières expos dans les années 80, sa peinture a été rapprochée du courant appelé la peinture sauvage. Héritier décalé du pop art et de l’expressionnisme abstrait américain, il laisse affleurer une belgitude pétillante et espiègle. En en 2013, le Wiel’s a proposé une première grande rétrospective du peintre qui depuis quelques années, gagne une notoriété internationale avec d’importantes expositions et rétrospectives en Europe et plus récemment à New York.

 

©Walter Swennen et Violaine de Villers
Il admire Le Titien, Mallarmé ou Kurt Schwitters. Si ses références sont nombreuses, elles ne sont pas nécessairement savantes, ni étouffantes Il peut aussi bien s’intéresser à des images populaires comme Bob et Bobette qu’à des mots glanés dans la rue sur une enseigne publicitaire. Dans ses références, il n’y a pas de hiérarchie. Il ne choisit pas entre culture populaire ou savante, deux chemins buissonniers pour défricher sa peinture.

 
InfosPratiques

©Walter Swennen et Violaine de Villers
Sa mauvaise foi est sa bonne étoile, dit-il. Cet homme qui se méfie du langage a étudié la philosophie. C’est un philosophe qui fait de la peinture, pas de la philosophie. Il réfléchit beaucoup avant de peindre, mais quand il prend son pinceau, il essaie de lâcher prise en incorporant ce qu’il pioche dans ce qu’il appelle son compost, ces images, typos et bouts de texte qui s’accumulent dans son atelier et dans sa tête. Dans sa peinture, il évacue toute idée de narration et se laisse aller au plaisir de peindre, à une joie enfantine de la création et au jeu avec les formes et avec les matières.