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Bar de ligne, puntarella, cime di rapa, sauce au citron confit. © Romane Henkinbrant @ Alain Bianchin

À tables!
Alain Bianchin*

Romane Henkinbrant -

Le resto

C’est à quelques minutes de Bruxelles seulement qu’Alain Bianchin décide d’ouvrir son restaurant éponyme il y a tout juste 4 ans. Après un parcours auréolé de succès gastronomiques (Chalet de la Forêt, La Villa Lorraine…), c’est assez naturellement que le chef acquiert sa première étoile – celle du ventre – dès la première année de son ouverture. Son objectif ? Une seconde étoile qui récompensera sa signature, témoignage d’une grande intelligence culinaire. Pour l’atteindre, il cherche sa personnalité, notamment à travers la lecture – on n’arrête jamais d’apprendre – et ses propres expériences.

 

Dans l’assiette, une cuisine très franco-belge avec des produits assez classiques comme la pintade ou les asperges fraîches de Jurbise, mais également une identité italienne revendiquée à travers l’utilisation de légumes méditerranéens comme les aubergines, tomates et artichauts, le tout twisté d’une forte inspiration japonaise, issue de ses nombreux voyages. Des aliments savoureux cultivés par des passionnés pour une expérience gustative hors du commun placée sous le signe de l’émotion directe – un pari selon nous parfaitement réussi.

 

Attablés au coeur du restaurant, on profite d’un aperçu global de l’espace séparé en 3 zones : la salle à manger principale, le comptoir avec vue sur la cuisine et la salle « haute » avec vue sur le jardin. Le cadre est soigné et lumineux, associant différentes teintes de gris pour une déco peu tendance mais chaleureuse.  Suivant la suggestion du Chef, on s’engage dans le menu « Point à la Ligne » en 5 services (90€) en accord avec les vins (43€) qui varie chaque jour au gré de la saisonnalité et des produits du marché.

 

Un shot de thé glacé noir à la pêche introduit les 4 mises en bouche à tomber par terre : mousse de mortadelle (une charcuterie italienne) et son crumble de pistaches ; madeleine aux olives noires, anchoïade et crème de citron ; panna cotta au fenouil et saumon gravlax (mariné au sel pour ses saveurs incroyables) et la signature du Chef : royale de foie gras, réduction de pommes et espuma au parmesan. Pour une touche de fraîcheur, on accompagne le tout d’une coupe de champagne Lallier Blanc de Blancs dégorgement 2018. Santé !

 

Le menu débute avec de la truite saumonée d’Ondenval cuite dans un tissus japonais pour une cuisson vapeur permettant à la chaleur de pénétrer doucement la chaire du poisson et ainsi conserver son côté moelleux. Combiné à la pomme (sous forme de mousse et en juliennes) et à une salade de shiitake, c’est un pur délice. On l’accorde avec un sauvignon du nord de l’Italie, sur l’appellation Friuli du domaine San Simone : un vin assez vif dont le côté tranchant contraste avec la truite et le côté fruité épouse les pommes – un mariage incroyable proposé par Benjamin Vasseur, l’excellent sommelier du restaurant.

 

On poursuit avec un bar de ligne de Boulogne-sur-Mer, d’abord rapidement poêlé sur la peau puis plongé une à deux minutes dans un four à convection chauffé à 300°. Servi aussitôt, le poisson continue à cuire doucement dans l’assiette pour conserver toute sa tendresse. Déposé sur de la puntarella (plante italienne de la famille des chicorées) préparée crue, marinée avec du citron confit et des anchois, il est également accompagné de cime di rapa, le tout arrosé d’une sauce au citron confit. Un délice avec un verre de la cuvée Les Petits Dragons du domaine Malavieille, un vin blanc sec assez riche.

 

Place au plat signature du chef, classique de la carte : une aubergine confite – cuite pendant 2 heures à 110° – laquée au saté de Taïwan et sa rose de boeuf Holstein maturé 29 jours avec une vinaigrette à l’huile d’argan et huile d’olive, grenade fraîche et sauce ponzu sudachi-kombu. En accord, Le Blanc des Filles du domaine Enclos de la Croix dans le Languedoc, un cépage rouge vinifié comme un blanc dont la faible macération des peaux donne sa couleur légèrement orangée au vin.

 

Le chef en personne nous présente à table sa pintade du Cantal élevée 120 jours et nourrie de brioche et de lait durant les 40 derniers pour conserver sa tendreté. Un produit d’exception travaillé dans un jus au vin jaune avec des morilles fraîches et entouré d’asperges blanches sautées à cru pour un côté caramélisé, un crumble au parmesan, de l’orge maltais et de l’ail des ours pour une note de fraîcheur. Comme vin, un rouge de Savoie, la cuvée Sillon du domaine Les Corties. Sa particularité ? 6 cépages – 3 rouges et 3 blancs – pour un vin gourmand avec une belle matière.

 

Pour terminer, on reste bouche bée devant le dessert surprenant associant kiwi (en brunoise et en sorbet combiné au miso) et sésame (en espuma et tuile croquante), allié à un vin mousseux de type aromatique du domaine Clavel au nord du Languedoc : on est sur les Céleste, un muscat effervescent aux nuances florales.

 

On clôture la soirée avec quelques mignardises et une riche discussion avec le Chef qui prend le temps tout au long de la soirée de passer en salle pour terminer un envoi ou partager et échanger avec ses convives. Un détail qui transforme un simple détour en un voyage indispensable.

 

Le Chef

Fils d’ouvrier immigré italien, Alain Bianchin tombe dans le chaudron à 9 ans. Il découvre la générosité grâce à sa grand-mère brabançonne qui savait rendre les gens heureux à table. Il commence chez Claude Dupont puis oeuvre dans de grandes maisons bruxelloises comme le Comme chez soi et le Barbizon où il devient chef junior à l’âge de 21 ans. En 2000, il seconde Pascal Devalkeneer dans son ouverture du Chalet de la Forêt et ne le quitte que 12 ans plus tard, après 2 étoiles. S’ensuit un passage de trois ans à la Villa Lorraine où il reconquiert l’étoile perdue. C’est seulement à l’âge de 40 ans qu’il acquiert la maturité nécessaire pour réaliser son rêve et devenir chef dans une grande cuisine. Aujourd’hui entouré d’une équipe de 3 personnes, Alain Bianchin est passé dans une nouvelle phase de transmission : Pour résumer, il y a le savoir, le savoir-faire et le savoir faire-faire. À chaque étape, il y a une difficulté. Plus on a une cuisine sentimentale, où il y a de l’émotion, plus la transmission est difficile. Il garde néanmoins en tête son objectif principal : être récompensé d’une deuxième étoile amplement méritée, symbole de la reconnaissance de ses pairs.

 

L’adresse

Alain Bianchin*, Brusselsesteenweg 663 – 3090 Overijse. T. +32 (0)2 657 67 88.

Ouvert du mardi au vendredi de 12h à 14h30 et de 19h à 22h30 et le samedi de 19h à 22h30. Fermé le dimanche et lundi. 

 

La recommandation du gérant

Toshiro Restaurant, Rue de la Source 73 – 1060 Bruxelles ; T. +32 (0)2 245 09 55.

Ouvert du mardi au samedi de 12h à 14h et de 19h à 22h. Fermé le dimanche et le lundi.

C’est un chouette resto qui vient d’ouvrir et qui – je pense – va cartonner. Toshi a été pendant 8 ans le second du chef Sang Hoon Degeimbre à L’air du temps** puis bras droit et chef créatif des restaurants SAN. Il part sur une cuisine franco-japonaise. Je lui souhaite beaucoup de succès car c’est quelqu’un qui a beaucoup d’ambition et qui veut grandir.