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Claude Monet, Londres, le Parlement. Trouée de soleil dans le brouillard, 1904.

Carte postale de Londres

Simon Brunfaut -

Divagations d’un chroniqueur philosophe en vacances

 

1. Londres est une longue tranche de lard fumé posée sur un blanc d’oeuf. Vous apercevez la tomate piquée de jaune en haut à droite de l’assiette ? C’est un soleil confus.Un breakfast et vous distinguez le visage de la ville, des premières lueurs au début de la nuit.

2. À quoi ressemblent les Anglaises ? Regardez un tableau de Gainsborough et écoutez une chanson des Sex Pistols. Aucun risque de coup de foudre à Notting Hill.

3. L’Anglais sait se tenir en toute circonstance, c’est son côté le plus excentrique. Il a l’ennui poli, le goût de la situation piquante et le sens de l’infiniment petit. Il faut le voir chercher une épingle à cheveux sur un trottoir bondé en levant les yeux au ciel de dépit.

4. À Londres, vous ne vous promenez pas : c’est un vague à l’âme qui se promène à votre place, une étrange mélancolie qui, partie d’un loden vert et d’une veste en tweed, finit sa course dans un magasin d’antiquités de Soho ou dans une librairie de Charing Cross road.

5. Cette ville bouge, dit-on. Elle est installée sur un bateau à vapeur. Prenez un scotch sur le pont et alcoolisez-vous légèrement en passant la tête à travers le brouillard. À Londres, le parapluie ne chasse pas la pluie mais invente le ciel.

6. Que voit-on à Londres ? Des gens pressés, des dalmatiens affublés d’un noeud rose et des sexagénaires qui font un footing avec une bijouterie incrustée sous la peau. Il faut pénétrer dans les maisons, les squats, les marchés, les églises. Londres est un immense club très fermé, avec une carte de membre pour chaque endroit.

7. Une visite dans l’East end vous révèlera des sympathies communistes, la City vous conduira à louer un cottage avec un Beattle, un glacier au lait maternel vous donnera envie de prendre des nouvelles de votre mère.

8. N’oubliez pas de parler aux gardiens de musées, écrivez un roman à Chelsea, devenez Lord, oubliez le continent, dérivez et pensez aux bas qu’on reprise ainsi qu’aux heures qui filent.

9. On peut être surpris à la National Gallery. Un Français, à la vue d’un Van Gogh contre lequel il avait collé son oeil, s’exclama avec un accent rocailleux aux senteurs de lavande : « Oh la vache ! » L’animal n’y était pourtant pour rien.

10. Ca vous dit d’aller à l’hôtel Savoy boire un gin tonic en compagnie d’Oscar Wilde ? Toute l’élégance de la solitude consiste à savoir se choisir ses fantômes et son smoking.