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Angus & Julia Stone
Angus & Julia Stone, photo : J Stenglein

Julia Stone
Interview long format

Gilles Bechet -

Angus et Julia Stone sont dans la vie, comme dans leurs chansons. Décontraction et gentillesse, des journées bien remplies, sous le ciel immense au bord de l’océan, des heures passées à rêvasser dans le silence des vagues. Un voile de mélancolie comme un frisson sur la peau bronzée. Pour le coup, c’est à Bruxelles, chez PIAS que l’interview prend place, avec une Julia volubile et disponible. Dans la cour intérieure, sous un franc soleil, on a commencé par parler de neige.

 

Votre album s’appelle Snow. Pour quelqu’un né et élevé en Australie, la neige doit paraître plutôt exotique?

C’est comme un rêve, c’est comme l’endroit qu’on ne voit jamais en Australie. On en a un peu, mais vraiment pas beaucoup et pour vous européens, ça ne doit ressembler à rien ! En fait, on a commencé à travailler sur ce disque à Zermatt alors qu’on prenait un break après presque deux ans de tournée. On a passé deux semaines dans les montagnes, c’était fantastique. Il y avait beaucoup de neige et on était en avril où on fête tous les deux notre anniversaire. C’est dans cette atmosphère très particulière qu’on a commencé à penser au prochain disque. Quand on est revenu en Australie, on a commencé à enregistrer et la première chanson que nous avons écrite s’appelait Snow. Pour nous, la neige est magique, un peu inaccessible et en même temps, c’est comme un nouveau départ.

 

Avez-vous un souvenir particulier de votre premier contact avec la neige?

Oui, c’était quand j’étais en secondaire. Pour la dernière année, on a fait un voyage vers les montages. C’était la première fois que je voyais la neige. Je me souviens encore de l’impression que j’ai eue, je trouvais ça magique. On était tout un groupe et les profs essayaient de garder tout le monde ensemble mais, bien sûr, on était tous très excités et on allait dans tous les sens. Moi et deux copines, on s’est séparées du groupe de ski et on est parties dans la forêt. Les arbres n’avaient pas de feuilles, juste de la glace qui pendait et scintillait avec la lumière qui passait à travers. On s’est simplement assises dans cet endroit magnifique et mystérieux et on est restées sans rien dire. Et pour une fille comme moi, le silence est plutôt rare. C’était vraiment un moment très spécial.

Pour cet album vous êtes revenus enregistrer en Australie, un retour aux sources ?

C’était une façon de boucler la boucle. On avait enregistré notre premier EP Chocolates and Cigarettes dans la maison de notre père. Angus a une maison dans la région de Byron Bay. Il a des vaches et des chevaux et c’est en pleine nature, on y voit des kangourous et des koalas. On s’y sent complètement libres. On travaille quand on a envie, on va nager, on se promène. C’est vraiment chouette. On a enregistré avec le groupe pendant deux semaines et puis ensuite, on est restés, Angus et moi , avec un ingénieur du son qui a dû, lui aussi, partir pour un autre boulot. Pendant pratiquement trois mois, on était juste à deux. On a appris à se débrouiller et du coup, j’ai passé quelques nuits sur les forums pour apprendre à me servir du Protools.

 

Trouvez-vous étrange que les gens soient fascinés de voir un frère et une sœur jouer ensemble dans un groupe ?

Non, je ne trouve pas ça étrange. Ça me fascine aussi. Souvent, je me dis que c’est étonnant que nous maintenons cette relation depuis plus de dix ans maintenant. Les relations familiales sont souvent difficiles. Elles s’accompagnent de tout un passif et de pas mal de choses à régler. Mais en même temps, on a cette communication non verbale qui repose sur des souvenirs communs et c’est intéressant. Pas mal de frères et sœurs viennent nous voir après un concert en disant que c’est inspirant pour eux de nous voir. Il nous arrive souvent à Angus et à moi de nous regarder en se disant c’est incroyable que nous soyons toujours amis et même que nous le soyons devenus. Je pense qu’au début, nous n’étions pas des amis mais juste un frère et une sœur. Angus est maintenant un vrai ami, quelqu’un en qui j’ai confiance. Et c’est pour ça qu’on peu écrire et jouer de la musique ensemble. Sans confiance, ce ne serait pas possible.

 

Avez-vous commencé à faire de la musique en même temps ?

On a commencé à écrire des chansons au début de l’adolescence. A cette époque, j’étais plus intéressée par la musique pop, j’écrivais des chansons sur lesquelles je pouvais danser. Angus était dans un genre plus rock, il écoutait beaucoup des groupes comme Queens of the Stone Age et Rage Against the Machine. Il se produisait avec son groupe et moi je jouais avec des amis dans des réunions scolaires. Angus avait sans doute plus confiance en lui pour jouer en public. Ça m’a demandé un certain temps pour me sentir à l’aise avec des chansons plus personnelles. Quand je chantais des chansons pop, ça n’avait pas d’importance parce que je me sentais moins concernée. Si je n’avais pas joué avec Angus, ça n’aurait sans doute pas changé.

 

Vous avez eu une éducation musicale ?
Papa dirigeait l’orchestre de l’école et il louait des instruments aux enfants. Il y avait toujours des instruments à la maison, il y avait des trombones, trompettes, violons ou flutes. Papa nous encourageait à un peu tout essayer. On a chacun appris certains instruments mieux que d’autres. Je jouais de la trompette et c’est sans doute encore mon instrument préféré. Angus jouait du trombone, mais maintenant, la musique que nous faisons ne demande pas tellement de trompette et trombone mais plutôt les instruments basiques comme la guitare.

 

Vous écrivez vos chansons ensemble, quelle est votre méthode de travail ?
Ça varie. Sur certaines chansons comme
Snow, My House Your House, Sylvester Stallone, on chante en alternance. Quand on écrit, c’est exactement pareil. On a la musique en tête et on s’assied sur le canapé et on chante chacun à son tour. Ça peut durer comme ça pendant une heure où on se raconte des trucs. C’est vraiment très gai. Il chante quelque chose qui me fait penser à autre chose et dans tout ça on finit pas trouver un fil et une histoire. Sur d’autres chansons, Angus sait exactement ce qu’il veut. Il s’assied pour se concentrer sur son idée et je le laisse dans le studio. Quand je reviens, j’ajoute quelque chose pour le refrain. Parfois, je ne sais même pas sur quoi il chante, je sais juste qu’avec ce refrain, ça ira bien. Et par petites touches on construit le texte en séparant les taches comme sur Cellar Door, Oakwood ou Baudelaire.

 

Les textes sont plus allusifs que descriptifs. Est-ce parce que vous écrivez à deux ou parce que vous préférez laisser le sens ouvert ?
Probablement un peu des deux. Quand j’écris toute seule, j’ai tendance à être très claire et raconter des histoires très émotionnelles. Je dis et je chante ce que je ressens. Angus écrit plutôt par images et métaphores. Il cherche à créer une sensation plutôt que de créer une histoire avec un début, un milieu et une fin. On fait un mix des deux approches qui rend nos textes plus ambigus et laisse aux gens plus de place pour l’interpréter comme ils l’entendent.

L’amour est fort présent dans vos chansons et apparait surtout comme un refuge contre le reste du monde

Quand j’écris, c’est comme si l’amour était la seule issue, le seul choix possible. Ce n’est même pas un choix, parce que tout le monde y aspire, le crée et puis le détruit. Par moment dans ce disque, l’amour est effectivement un refuge où on se sent en paix et rassuré. A d’autres moments, on peut y sentir de la tension. On voudrait s’y fier mais on ne sait pas comment y rester au milieu de toute cette confusion.

 

Les personnages sont souvent en train de fuir quelque chose

Oui ça vient sans doute de toutes ces années passées à parcourir le monde. Dans cette vie on bouge tout le temps, rien ne reste à sa place pour longtemps. Le changement est la norme dans notre vie. Nous sommes aujourd’hui à Bruxelles, ce soir à Berlin, ldemain à Londres, pour le weekend à New York et la semaine prochaine en Australie. Et tout ça est parfaitement normal. Et c’est la même chose pour les relations. On peut avoir pendant deux jours un lien intense avec quelqu’un qu’on ne verra plus pendant un an. Je pense que ça se ressent dans notre écriture. La grande leçon qu’on pourrait en tirer c’est Qu’importe où vous êtes, restez qui vous êtes, c’est la seule continuité.

Une de vos chansons est intitulée Sylvester Stallone, est-ce un hommage ?

Non. Même si on regarde beaucoup de films pendant les moments creux en tournée, cette référence est plutôt une plaisanterie. La chanson ne parle pas de lui mais plutôt de cette sensation quand on a un peu trop bu et qu’on a la voix pâteuse, comme Stallone. Ce n’est pas méchant. C’est une phrase qui est sortie quand on travaillait sur la chanson. Comme on a trouvait ça très amusant, on l’a gardée, surtout parce que c’est une chanson très délicate, intimiste. Elle parle de deux amants qui veulent fuir leur vie trop normale. C’est une façon de conclure le disque de manière très calme. Il nous arrive souvent de choisir un titre qui n’a pas grand chose à voir avec la chanson. Juste parce qu’on l’aime bien et qu’on trouve ça marrant. Comme avec Baudelaire. Il ne faut pas chercher trop loin.

Lire la chronique sur le CD Snow ICI